Daniel Danis : Matière première
Daniel Danis présente Sommeil et Rouge, une performance mêlant poésie, danse et cuisine sur la scène de l’Usine C.
Artiste en résidence à l’Usine C depuis le mois de décembre, le poète Daniel Danis s’apprête à y présenter une nouvelle version de Sommeil et Rouge, le deuxième volet de sa Trilogie du flou, une aventure poétique conçue à partir d’une "hallucination réelle" qu’il avait déjà présentée à Montréal en 2003. "Ce n’est pas un spectacle au sens classique du terme, j’ai plutôt essayé de fabriquer de l’expérience, de plonger les spectateurs dans un temps particulier, comme dans un rêve. Je n’ai pas voulu créer du langage, mais du temps… comme une cérémonie", explique l’auteur.
Avant le début de la performance, chaque spectateur se verra remettre le petit livret de Sommeil et Rouge, une magnifique adaptation libre d’un poème chinois du VIIIe siècle, le Chant de l’éternel regret de Po Kiu-Yi, évoquant l’histoire d’un empereur qui délaisse la gestion de son royaume par amour pour sa favorite, un texte que Danis a découvert à la bibliothèque alors qu’il effectuait une recherche à propos d’un de ses rêves. Dans cette nouvelle version, l’Empereur, un puissant chef de la mafia de Hong-Kong vivant au sommet d’une immense tour de verre, rencontre la belle Yang lors d’un séjour à la montagne, près d’une source thermale. Durant sept années, ils vivent ensemble un parfait amour, mais la mafia se venge et le contraint à tuer sa bien-aimée de ses propres mains.
Les spectateurs seront ensuite plongés dans un décor rougeoyant conçu en collaboration avec l’artiste plasticien Martin Dufrasne et où évolueront côte à côte le poète, la danseuse Ziyian Kwan et le chorégraphe de combat Hyu-Phong Doan, qui préparera sur scène un repas chinois composé d’odeurs sucrées et salées, de poisson, de riz et de thé au son de la voix de la comédienne Marie-Pascale mixée par l’électro-acousticien Jean-Michel Dumas, membre de l’équipe de recherche audio de la SAT (Société des arts technologiques).
"Les sons que l’on entendra sont des mots triturés, nous avons travaillé dans la matière sonore du poème. Je crois que notre pensée ne fonctionne pas de façon linéaire et ne passe pas exclusivement par la parole", affirme le poète. Ainsi, pendant toute la performance, un son ambiant d’une fréquence de 4 Hz sera diffusé afin de favoriser le dialogue entre les deux hémisphères du cerveau, celui qui gouverne les fonctions du langage et celui qui dirige la perception de l’espace. "Selon certains neurologues, ce type de son provoque un état de relaxation intense qui permet de percevoir le monde autrement."
"Je sais bien que certains sont incapables d’adhérer à ce type de travail, s’amuse Daniel Danis, mais je ne sais pas diriger les acteurs de manière classique. Ici, j’ai travaillé avec eux à partir de deux mots, pourriture et architecture… Mon vocabulaire de metteur en scène ne traite pas de l’action ou de l’émotion. Je suis sensible aux matières, aux rêves qui prolongent mon écriture comme des révélations intérieures. Par exemple: si le coeur est dans la main et que c’est un escargot et que le reste du corps est une montagne, alors la poétique est connectée à la matière et c’est ça qui m’intéresse!" explique-t-il.
Jusqu’au 22 avril
À l’Usine C
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