Le Projet Andersen : Règne animal
Scène

Le Projet Andersen : Règne animal

Le Projet Andersen fait la synthèse de tout ce dont Robert Lepage est capable: une histoire à tiroirs captivante dans une mécanique fonctionnant au quart de tour, le tout défendu par un comédien d’exception.

Hans Christian Andersen et son zizi, le Paris d’hier et d’aujourd’hui, un créateur vaguement paumé, un toutou toxico… Voilà quelques-uns des morceaux du très cinématographique cinquième solo de Robert Lepage, actuellement à l’affiche du TNM.

Fruit d’une commande en prévision du bicentenaire de l’écrivain danois mondialement connu, Le Projet Andersen est un autre de ces lieux suspendus où les époques se chevauchent, où se font écho les vertiges des créateurs comme des personnages et où l’on perd le compte des mises en abyme. Point de départ: Frédéric Lapointe, un auteur québécois qui vient de se faire larguer par sa blonde, est invité à Paris par l’Opéra Garnier pour adapter à la scène La Dryade, un conte peu connu d’Andersen. Mais les dés ne rouleront pas pour lui, et ce qui devait être une occasion en or de faire "valider" son travail par le milieu parisien se transforme en cauchemar. En outre, l’administrateur de l’opéra, un opportuniste verbeux dont on comprendra qu’il est en pleine débâcle conjugale, ne voit en lui qu’un sous-artiste et un faire-valoir, tandis que ses temps libres sont pourris par le clébard halluciné qu’a laissé chez lui le type avec lequel il a fait un échange d’appartements. Cette trame initiale devient vite l’occasion de parler de solitude, de sexualité frustrée puis, par un savant jeu de miroirs, de l’auteur du Vilain petit canard lui-même, qu’un voyage avait mené à l’Expo universelle de Paris en 1867.

Longtemps, le spectateur assiste médusé au défilement de scènes enchâssées par Ex Machina dans une mécanique sans faille mais un peu froide, ainsi qu’à l’exceptionnelle performance d’acteur de Lepage, qui endosse avec un naturel désarmant les différents personnages. Puis, dans un bouquet final où l’animal de compagnie, on aurait dû s’en douter, joue un rôle de premier plan, l’émotion éclate d’un coup, en même temps que la nécessité de s’ouvrir aux autres et à la suite du monde, comme d’assumer ce que nous sommes vraiment, une fois les masques tombés.

Jamais Robert Lepage et ses acolytes (ici Peder Bjurman et Marie Gignac à l’écriture; Félix Dagenais et Jean Le Bourdais, entre autres, à la conception et mise en scène) n’ont si bien conjugué recherche du texte et ambitions formelles. On le sait, les amateurs de théâtre ne savent plus où donner de la tête en ce printemps montréalais, mais voilà une pièce à inscrire de toute urgence à l’agenda.

Jusqu’au 19 mai
Au Théâtre du Nouveau Monde
Voir calendrier Théâtre