Lucidité passagère : Trente ans et des poussières
Scène

Lucidité passagère : Trente ans et des poussières

Avec Lucidité passagère, Martin Thibodeau signe une pièce sur les moments charnières de la vie des trentenaires grâce à des tableaux vagabondant de l’humour au drame.

On quitte cette pièce avec une impression assez forte et positive. C’est la manière dont les émotions et les personnages se croisent, s’emboîtent, qui forme, d’un tableau à l’autre, une espèce d’évolution, de crescendo et qui donne à l’objet théâtral sa teneur dramatique. Pourtant, rien n’était gagné avec ce que nous offraient les premières scènes, qui demeuraient plutôt à la surface des choses.

Si la première mise en scène du comédien Patrice Coquereau paraît assez effacée mais efficace, que les comédiens livrent de bonnes performances et que l’utilisation de l’espace comme l’ingéniosité et la flexibilité des décors (scénographie de Julie Deslauriers) sont remarquables, le texte de Martin Thibodeau, auquel a collaboré Georges Spiridakis, tarde quant à lui à dépasser l’anecdote et les lieux communs autour du couple et des premières crises personnelles.

Il est possible de rendre les détails intéressants, de les transformer pratiquement en drame, mais cela exige beaucoup de nuances. Or le texte et le jeu proposés font de l’anecdote un récit passionnant, bien conté, plutôt que de saisir l’essence théâtrale et de nous transmettre le trouble ou le malaise vécu. Difficile de croire au grand bouleversement que provoque ici l’herpès, comme de suivre sérieusement les inquiétudes d’un homme qui ne sait plus comment agir avec les femmes (le même éternel questionnement des humoristes québécois, à savoir être macho ou rose). Par contre, lorsque les personnages sont confrontés à certains chocs, la mort d’un enfant ou, dans un autre registre, un changement radical de vie, le spectacle ne fait pas que bien marcher et faire rire – car sur ces points, c’est réussi du début à la fin -; il touche et il remet en cause.

C’est le cas avec Mathieu, un bénévole d’hôpital (interprété par un touchant Érik Duhamel) qui, rongé par la culpabilité, paye sa dette par le dévouement sans parvenir à se permettre le bonheur. Rémi, lui, incarné en finesse par l’auteur, quitte le payant langage d’entreprise pour s’abandonner à la poésie. Par ces deux tableaux, on sent véritablement les enjeux, comme ce qui se perd et se gagne. Bref, un bon divertissement qui laisse poindre d’autres possibilités.

Jusqu’au 29 avril
À la Balustrade du Monument-National
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