Anabelle Lebrun et Nicola-Frank Vachon : Devoir de mémoire
Scène

Anabelle Lebrun et Nicola-Frank Vachon : Devoir de mémoire

Anabelle Lebrun et Nicola-Frank Vachon avouent tous deux avoir été transformés par leur projet de finissants au Conservatoire: Les cercueils de zinc, "théâtre documentaire"  percutant.

Fondant le Théâtre les Anonymes, composant avec un petit budget, les finissants 2004 peuvent enfin reprendre cette création, mise en scène par Antoine Laprise. Les cercueils de zinc, version 2006, a mûri avec eux: l’ensemble a été resserré, le jeu, retravaillé, pour atteindre encore plus de vérité.

"Dès qu’on a plongé dans cette production, en 2004, on a su qu’on tenait quelque chose d’important, se rappelle Anabelle Lebrun, à cause des changements que ça a provoqué en nous. Quand on a vu en plus la réception du public, on a voulu absolument que ce spectacle ait une autre vie."

Et pour cause. Suite de monologues tirés de l’ouvrage de la journaliste Svetlana Alexievitch, qui a recueilli les témoignages de citoyens soviétiques ayant vécu la guerre d’Afghanistan de 1979-89, Les cercueils de zinc, vu en mai 2004 au Carrefour international, est un spectacle fort, bouleversant. Pour les spectateurs, pour les comédiens aussi, semble-t-il.

"Antoine a vraiment voulu qu’on expérimente le plus possible ce qu’est la guerre, en faisant beaucoup de laboratoires, en nous faisant vivre des situations très fortes, expose Nicola-Frank Vachon. Tout au long du travail, être constamment baigné dans cette ambiance-là, ça remet beaucoup de choses en perspective. Pour moi, et pour tout le monde, ça a vraiment été du théâtre engagé; on voulait dire quelque chose, sans juger, sans faire la morale. Et tout le monde sentait cette responsabilité, cette préoccupation constante du sérieux de la chose. De jouer ça, ça crée aussi une ouverture sur le monde. On est dans une bulle, ici, en Occident: tout va bien, il y a une paix qu’on prend pour acquise alors que non, ça prend un rien pour que ça explose. C’est d’ailleurs ce que vit une grande partie de la planète."

"Moi, poursuit Anabelle, les horreurs de la guerre, avant, je ne voulais pas voir ça. Pendant qu’on travaillait, je m’y suis intéressée. On dirait que maintenant, j’ai accepté de voir la réalité; mon regard sur les choses, sur la vie, est différent."

Ces réflexions suscitées par leur expérience, les membres du Théâtre les Anonymes espèrent les faire partager aux spectateurs. Anabelle explique: "Svetlana Alexievitch disait, à peu près: "La guerre, c’est pas 100 000 morts; c’est 100 000 fois une mort." C’est tellement vrai. Ce qu’on souhaite, c’est montrer comment ça se passe pour vrai, comment ces gens-là ont vécu la guerre. C’est clair que ça ouvre les esprits; tant mieux." "Une de mes intentions, enchaîne Nicola-Frank, c’est d’amener les gens au-delà de ce qu’on nous met dans le crâne à la télé, dans les journaux. Amener les spectateurs où on est allés avec le spectacle, les faire passer par notre chemin, parce que ça nous a tellement apporté."

"Ce sont de vrais témoignages de vraies personnes, peut-être encore vivantes, conclut Anabelle; donc la force du spectacle, c’est moins ce qu’on en a fait que ce que c’est déjà au départ. La matière première est déjà quelque chose; suffisait juste de se mettre au service de cette matière première-là, ce que je crois qu’on a réussi à faire. C’est pas un spectacle ordinaire, c’est pour ça qu’on a le goût de le refaire. De toucher à ça, c’est comme si ça t’ouvre la porte: pour moi, et pour nous tous, je crois, ça va toujours être important de faire des spectacles engagés comme celui-là."

Les comédiens Roxane Bourdages, Catherine Dorion, Thomas Gionet-Lavigne, Martin Perreault, Sylvain Perron, Éva Saïda et les concepteurs Marie-Ève Denis, Jeanne Lapierre-Maheux, Virginie Leclerc, Caroline Turcotte et Maryse Lapierre complètent l’équipe.

Jusqu’au 13 mai
Au Théâtre Périscope
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