Le Libertin : Le philosophe dans tous ses états
Scène

Le Libertin : Le philosophe dans tous ses états

Le Libertin, tourbillon de verve et d’esprit, nous entraîne dans la journée étourdissante d’un Diderot pris entre désirs et  idées.

Se reposant à la campagne chez son ami d’Holbach, Diderot s’y voit finalement contraint de travailler: il doit écrire d’urgence l’article "morale" pour l’Encyclopédie. À ce travail imprévu s’ajoute la valse des tentations et des réclamations. Séduit par Madame Therbouche, venue faire son portrait, Diderot voit son tête à tête galant et ses tentatives de réflexion sans cesse interrompus: son épouse se plaint de ses infidélités, la jeune d’Holbach lui fait du charme, sa fille lui sert avec aplomb ses propres enseignements avec lesquels, tout d’un coup, il ne peut plus être d’accord. Au milieu d’elles, Baronnet, secrétaire de Diderot, tente de le rappeler à l’ordre.

Pris entre ses principes et l’appel du plaisir, Diderot passe une rude journée. Assailli de toutes parts, il ajuste chaque fois sa pensée, avançant des idées que, sans sourciller, il niera au tableau suivant. Ainsi débattra-t-il toute la journée avec chacun, et avec lui-même.

Le texte d’Eric-Emmanuel Schmitt est un plaisir: dialogues pleins d’esprit et d’humour, personnages bien dessinés, intrigue ingénieuse et situations très drôles, frôlant le vaudeville. La mise en scène de Lorraine Côté, pleine de vivacité, de finesse, en polit l’éclat, alimentant de son énergie cette joyeuse machine à étourdir les philosophes. L’ensemble est magnifiquement servi par les comédiens, tous excellents: autour d’Yves Amyot, Diderot sensuel, aussi habile à discourir que prompt à s’enferrer dans ses principes, une galerie de personnages succulents qu’incarnent Marie-Josée Bastien, Érika Gagnon, Jonathan Gagnon, Valérie Laroche, Klervi Thienpont. Grande réussite, également, de la conception: utilisation amusante de la musique (Stéphane Caron), ponctuant par moments la pensée du philosophe, élégance et sensualité des costumes (Denis Denoncourt), beauté de la scénographie (Monique Dion), évoquant les planches de l’Encyclopédie, et présentant, sur un magnifique fond d’arbres, le cabinet de Diderot où se côtoient nourritures terrestres et intellectuelles, en un fouillis à l’image de ses pensées et de cette folle journée.

Malgré quelques scènes cherchant encore ajustement le soir de la Première, Le Libertin est une comédie réjouissante: un bijou d’effervescence légère, d’humour et d’intelligence.

Jusqu’au 13 mai
Au Grand Théâtre
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