Rire fragile : Enjeux de mots
Scène

Rire fragile : Enjeux de mots

Rire fragile, le plus récent solo de Philippe Avron, poursuit une redoutable entreprise de charme.

Avec Je suis un saumon et Le Fantôme de Shakespeare, Philippe Avron avait littéralement charmé le public montréalais. Gageons qu’en dévoilant Rire fragile, un solo créé à Bruxelles en janvier 2003, l’auteur et comédien français va se tailler une place de choix dans le coeur des Québécois. À 78 ans, ce dernier clame haut et fort, et avec beaucoup de perspicacité, la nécessité du rire: "Tout ne me fait pas rire dans le monde, loin de là, mais j’ai toujours envie de rire avec tout le monde." Réconfortantes et primordiales, ses confidences sont un véritable baume pour l’âme.

En passant par la salle pour rejoindre une scène presque vide, Philippe Avron annonce la couleur. Au cours de la prochaine heure et demie, une précieuse complicité va naître entre un créateur délicieusement verbomoteur et un public aux aguets: qui voudrait rater un seul de ses jeux de mots, un seul de ses traits d’esprit, une seule de ses superbes images? On pense à Sol, à Raymond Devos, à Pierre Desproges et même… à Fred Pellerin. Il y a un peu de tous ces prestigieux conteurs chez Avron, mais il y a aussi une touche bien personnelle, une candeur, une tendresse communicative, une intelligence et un sens de l’observation absolument inouï. Non seulement l’homme est-il cultivé, mais il a la grande qualité de ne pas établir de hiérarchie entre les savoirs. Ainsi, sous sa plume, Michel Serres, Gaston Bachelard et Emmanuel Kant, conviés lors d’une classe de philo haute en couleur, côtoient Serge Reggiani, Star Academy et la bouchère mordue par son chien.

Pour nous faire saisir toute l’importance du rire, une grâce dont il rappelle qu’elle est aussi fragile et précieuse que la vie elle-même, le performeur nous entraîne dans les rues de son patelin, Issy-les-Moulineaux. On y croise le boulanger, le charcutier, le fromager, le papetier… autant d’Issisois que l’acteur incarne avec doigté. Avec eux, il a ce qu’il appelle des rapports d’abeille. "Et après, quand on rentre chez soi, on fait notre miel avec le pollen des gens du quartier qu’on a butinés." Voilà qui décrit à merveille ce que le comédien fait des confidences qu’il reçoit: un miel, qu’il nous offre à savourer.

Du 27 au 29 avril
Au Théâtre Denise-Pelletier
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