Venise-en-Québec : Terre promise
Avec Venise-en-Québec, Olivier Choinière lance un immense pavé dans la mare.
Bien que Venise-en-Québec soit la première pièce d’Olivier Choinière à être présentée dans un théâtre institutionnel, en coproduction avec le Théâtre du Grand Jour, le résultat est loin d’être politiquement correct. Bêtes, sales et méchants, les Vénitiens forment une faune sans pitié. Irrévérencieux, outrancier et provocateur, le spectacle mis en scène par Jean-Frédéric Messier ne laissera personne indifférent.
Loin de s’assagir ou d’édulcorer son propos afin de quitter les aires non conventionnelles où il avait jusqu’ici pris la parole, Olivier Choinière accouche d’un projet extrêmement dérangeant, un brûlot qu’il portait depuis près de dix ans. Impossible de ne pas être heurté par cette vision cauchemardesque du Québec, un portrait si exagérément fidèle, si outrageusement précis, qu’il frappe souvent dans le mille. Tout comme Barbare, un homme échoué là par hasard, on ne veut pas y croire, la douleur est trop vive, la désillusion trop grande, on est presque dégoûté de se voir si laid dans ce miroir. Les Vénitiens forment une société rongée par l’ignorance, le mépris et la violence. Repliés sur eux-mêmes, furieusement hostiles à l’étranger, leurs rêves de gloire et d’indépendance ne sont que pacotille. Bien sûr, la caricature, flamboyante et bien exécutée, entraîne les rires. Pourtant, la salle est partagée, les spectateurs sont manifestement tiraillés. Faut-il rire ou pleurer devant tant de misère intellectuelle?
Parmi les acteurs, tous en grande forme, soulignons les performances exceptionnelles de Vincent Bilodeau, Johanne Haberlin et Violette Chauveau. Pour les habitants de ce désespérant microcosme, Marie-Claude Pelletier a imaginé un véritable royaume du kitsch, le croisement heureusement improbable d’un camping, d’un minigolf et d’une marina. Dans les costumes de Sharon Scott, les plumes d’Indiens côtoient les masques de carnaval, le mauvais goût atteint des sommets. Les éclairages de Yan Lee Chan et les musiques de Ludovic Bonnier achèvent de conférer à cet espace horrifiant ses lettres de noblesse. Les créateurs de ce spectacle dur à avaler sont certainement arrivés à leurs fins. Au cours des deux prochaines semaines, bien des débats orageux risquent de s’engager dans le foyer du Théâtre d’Aujourd’hui.
Jusqu’au 13 mai
Au Théâtre d’Aujourd’hui
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