La Chanson du fou : L’enfant et les sortilèges
Avec La Chanson du fou, Joël Da Silva invite les jeunes spectateurs à explorer les mystères de la parole et de la création littéraire.
"Personne ne m’entend, personne ne me voit, personne ne sait où je me cache…", chante le fou qui ne parle à personne. Avec La Chanson du fou, Joël Da Silva nous plonge dans un univers magique de création et de mots, peuplé de bruits et de chansons, porté par une écriture à la poésie presque musicale. Le temps d’un spectacle mis en scène par Marie-Josée Plouffe, qui rappelle tantôt le voyage De l’autre côté du miroir d’Alice, l’héroïne de Lewis Caroll, tantôt les mésaventures du héros de l’opéra de Ravel L’Enfant et les Sortilèges, Joël Da Silva compose un conte étrange sur le pouvoir terrifiant de l’imaginaire enfantin. L’histoire commence au moment de la fin des émissions, "à l’heure où les fantômes envahissent les ondes" et où la radio retransmet en direct les contes inventés par l’écrivain mi-enfant, mi-adulte (interprété par Joël Da Silva lui-même) sur son antique machine à écrire, objet quasi préhistorique pour les enfants de l’ère informatique. Il y raconte les aventures du roi et de la reine, de leur fils, de leurs ministres et de leur fou. Un soir, l’écrivain décide de précipiter l’achèvement de son roman en provoquant la fin du monde à huit heures. Mais rien ne se passe comme il l’avait prévu: sa radio explose, ses personnages se rebellent et l’auteur devient la victime du monde imaginaire qu’il a créé et qu’il ne contrôle plus. Il se voit donc contraint d’entrer dans sa radio, au coeur même de son histoire inachevée, dans un univers modelé par la parole, où la moindre rumeur a son importance. Tout au long de son aventure, il croise de nombreuses créatures étranges: une servante aveugle et muette, un fou dans une poche, un couple royal au bord de l’hystérie, de vieilles commères ramassant les derniers mots du monde avant le silence total, "la bouche de personne qui n’a pas dit son dernier mot" et l’effrayant "homme au pardessus qui parle toujours par en dessous", qui rêve d’enregistrer un disque d’or pour fuir de la radio sur les ondes d’une chanson à succès.
Devant la scène cependant, le spectateur éprouve rapidement des difficultés à suivre les pérégrinations du héros dans l’univers labyrinthique de la radio. On a du mal à comprendre le sens général de l’histoire, à se glisser dans ce monde cauchemardesque qui flirte sans cesse avec l’absurde. Heureusement, malgré quelques longueurs, les dialogues savoureux, joués avec beaucoup d’humour et de talent par Marcelo Arroyo (la comédienne Valérie Gasse, indisposée lorsque nous avons assisté à la représentation, était remplacée au pied levé par Marie-Josée Plouffe), parviennent à faire oublier le manque de cohérence général du spectacle.
Jusqu’au 7 mai
À la Maison Théâtre
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