La Hache : Miroir, miroir: qui est le plus pur?
Écrit et mis en scène par Larry Tremblay, La Hache présente un long monologue interprété par Jean-François Casabonne, qui nous livre une performance aussi éclatante que touchante.
Un monologue, La Hache? Plutôt un dialogue avec le silence, avec la passivité d’une société qui a de plus en plus de mal à hiérarchiser l’information qu’elle reçoit. La Hache, publié dernièrement aux éditions Gallimard dans un recueil intitulé Piercing, se révèle un texte aussi romanesque que dramaturgique. Un professeur de littérature (Casabonne) rend visite, en pleine nuit, à un de ses étudiants (interprété par Xavier Malo) qui, suite à la lecture d’un poème écrit par le professeur qui demandait une réaction écrite aux élèves, a fait parvenir une réponse troublante sur le bureau de l’enseignant. Ce dernier fignole depuis 27 ans ce poème qu’il veut sans faille, et l’étudiant, enfermé dans un mutisme dérangeant et inquiétant, semble quant à lui entretenir une autre facette de la perfection; un corps filiforme, le crâne rasé et des bottes militaires impeccablement lacées presque jusqu’aux genoux laissent présager une appartenance possible à un mouvement d’extrême droite.
Quand on entretient des idées de pureté, bien forcément, on ouvre également la porte au concept de souillure; le professeur, dans sa tentative d’écriture et son approche de l’art, "nettoie " ce qui, selon lui, constitue des imperfections littéraires; mais qu’en est-il du "ménage " que pourrait effectuer son étudiant vêtu de noir au si joli profil? "Un visage est un bon endroit pour se perdre", entendons-nous parmi les bijoux poétiques que renferme ce texte. Celui qui est magnétisé par l’esthétique de son étudiant et qui brûle les "mauvais papiers" aurait-il un fond dangereux qui pourrait se traduire par des gestes violents? Au milieu des discours sur nos rapports avec la création et avec les médias, le texte, écrit sous le choc du génocide rwandais sans jamais le mentionner, interroge le spectateur sur sa position, sa capacité à se situer, son confort, son action ou son inaction, et sur son jugement, sa distance, face aux différents discours. Soulignons l’apport considérable de Casabonne qui reçut, en 2005, le masque de l’interprétation masculine dans un rôle de soutien pour sa performance dans Gertrude (Le cri), et qui arrive ici à transmettre un sentiment constant de vertige à la frontière de la folie.
Du 24 avril au 27 mai
Au Théâtre de Quat’sous
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