Christian Fortin : Chronique de la violence ordinaire
Christian Fortin signe la mise en scène de la pièce coup de poing King Dave. Avant la venue au Carrefour de ce spectacle au succès inattendu mais mérité, le metteur en scène fait le point.
[Carrefour international de théâtre]
"Je pense qu’on a pris beaucoup de monde par surprise, se remémore Christian Fortin. Lorsque l’on a gagné le Masque du texte original et celui de l’interprétation masculine en 2005, peu de gens avaient vu ou avaient même entendu parler de notre pièce." Il faut dire que King Dave avait été présenté seulement à quelques reprises au sous-sol du Théâtre Prospero. Compte tenu de la jauge restreinte de la salle, seulement 630 personnes avaient pu assister au spectacle.
Écrit et interprété par Alexandre Goyette, ce monologue raconte l’histoire d’un jeune caïd montréalais qui règne sur un royaume modeste composé de quelques sujets. Son univers bascule lorsqu’il rencontre des souverains plus puissants que lui. "Il y a des éléments qui rappellent Koltès dans l’écriture d’Alexandre. Les personnages sont moins paumés que chez le dramaturge français, mais leur dérive a quelque chose de similaire. Dave est en quête d’appartenance. Il cherche son identité, il cherche ses repères dans un monde qui en offre très peu." Au nom de cette recherche, il sera amené à plonger dans une vie où ce n’est plus lui qui règne, mais la violence sourde des gangs de rue.
"Je pense que ce qui frappe en premier lieu dans ce spectacle, c’est l’univers dans lequel évolue Dave. On pense souvent que la violence et la quête d’identité sont l’affaire des petits bums à perfecto et à jeans troués. Dave habite un appartement digne de Wallpaper et il s’habille chez American Apparel. Sa violence apparaît d’autant plus percutante qu’elle n’est pas excusée par la nécessité." Pour arriver à transmettre avec crédibilité le destin de Dave, l’équipe a dû travailler sur la théâtralité de l’ensemble. "Une partie de l’originalité du texte réside dans la façon particulière qu’a Dave de se raconter. Il glisse de l’adresse directe aux spectateurs à des récits plus incarnés, où le comédien doit interpréter plusieurs personnages. Nous avons travaillé en étroite collaboration pour parvenir à tracer le parcours émotif de ce personnage propulsé vers le vide."
L’autre élément marquant du texte est l’usage d’une langue imagée et corrosive qui déverse la violence des personnages. "Au départ, j’étais à mille lieues de la langue écrite par Alexandre, confie le metteur en scène. C’est une langue crue avec une rythmique et des expressions très particulières. La violence et la poésie s’y mélangent en un ensemble dérangeant. Mais au coeur des mots, c’est le destin tordu de King Dave qui marque. Il est conscient de tout ce qu’il impose à son entourage. Il y réfléchit. Mais il est happé par un engrenage qui le dépasse et qui détruit tout."
Le roi Dave installera sa cour au Carrefour international de théâtre le temps de trois représentations. C’est une occasion incontournable d’assister à ce spectacle qui a tant fait parler, mais que si peu de gens ont eu la chance de voir!
Les 17, 18 et 19 mai
Au Théâtre Périscope
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