Les Yeux du coeur : Signes vitaux
Scène

Les Yeux du coeur : Signes vitaux

Dans Les Yeux du coeur, Anne-Marie Riel renoue avec l’histoire tragique de Helen Keller et de sa loyale Annie Sullivan dans un hommage empreint de tendresse et d’humanité.

La pièce Les Yeux du coeur d’Anne-Marie Riel s’inspire librement de la vie de Helen Keller, qui, à l’âge de 19 mois, a perdu la vue et l’ouïe à la suite d’une grave maladie. Se déroulant dans les années 1880, le récit raconte aussi la vie qu’a menée en parallèle la jeune Annie Sullivan, que les Keller engagent pour élever cette "enfant sauvage" qui vit dans un monde de noirceur et de silence. "Le germe de la création a été le désir de porter mon propre regard sur cette vie avec l’urgence ardente de prêter une voix à cette femme qui n’a jamais véritablement parlé et qui m’a complètement bouleversée par son optimisme, son courage et son intelligence", note Anne-Marie Riel qui signe aussi la mise en scène de la pièce.

Envoyée par la Perkins School for the Blind où elle est étudiante, Annie a pour mandat d’"éduquer" Helen, avec l’objectif premier de lui donner un moyen de communication. Lui enseignant un vocabulaire très élaboré, Annie Sullivan aura pour principal défi de créer un lien entre les mots et les choses dans l’esprit de Helen. "Ce lien n’est pas évident, puis, à un moment donné, le déclic se fait avec le mot eau, qu’elle avait dit lorsqu’elle était bébé. Ensuite, tous les liens avec les mots arrivent dans sa vie et lui permettent de comprendre le monde, de voir et d’entendre par les mots."

Pour l’auteure et la metteure en scène, ce rapport au mot a été un des points de départ de l’écriture de la pièce, ayant aussi pour source le film The Miracle Worker, qui relate surtout l’apprentissage de l’enfant. Mais Anne-Marie Riel a voulu aller plus loin dans la vie et l’amitié de ces deux femmes qui se sont côtoyées plus de 50 ans. "J’ai pris la liberté en tant que dramaturge de faire parler Helen, de faire en sorte qu’elle se raconte. Alors, ma prémisse de départ, c’est qu’on retrouve Helen et Annie à 60 et 70 ans… De leur conversation naissent des morceaux de vie, des fenêtres de souvenirs qui surgissent parfois parce qu’elles les appellent et parfois par surprise."

Elle a donc fait appel à trois comédiennes pour incarner Annie et Helen, les présentant en femmes, en jeunes femmes et en enfants. Parmi les pans de leur vie que l’on découvre, celui de la mort précoce d’un jeune frère d’Annie alors qu’elle était enfant. "Annie va faire la rencontre d’Helen qu’à la vingtaine, mais j’avais besoin de comprendre où elle avait trouvé le courage et la détermination pour sauver cette enfant de son puits de noirceur et de silence… Et j’ai pensé qu’elle avait peut-être reconnu la mort en rencontrant la petite et qu’elle avait des comptes à régler avec la vie et avec la mort, explique-t-elle. On puise toujours nos propres lacs de souffrance, de plaisirs et de joies lorsqu’on écrit. J’ai aussi perdu un frère à 20 ans et il est toujours demeuré un peu présent, alors j’ai imaginé que le petit Jimmy demeure comme un petit fantôme, il la suit partout toute sa vie."

La pièce raconte aussi la vie amoureuse de Helen, qui a eu un prétendant à l’âge de 36 ans mais que sa mère a chassé sauvagement. "Elle était déjà une notoriété internationale à ce moment-là, elle publiait des livres, elle donnait des conférences de par le monde pour militer sur des sujets tels la cécité, le droit des femmes, le droit des enfants dans les usines, etc. C’était incroyable où elle était rendue. Mais elle a quand même laissé faire cela, c’était à l’époque victorienne et elle voulait surtout plaire."

Pour cette création communautaire qui réunit pas moins de 27 comédiens, Anne-Marie Riel a aussi fait appel à une équipe de concepteurs chevronnée: Claude Naubert à l’environnement sonore et à la musique, qui "a préparé pas moins de 60 cues"; Pierre Desjardins à la scénographie, qui a créé un décor épuré faisant la part belle à l’eau, importante dans le récit; Julie Giroux aux éclairages, "qui a fait un travail de chirurgienne"; Judith De Boer aux costumes, qui a notamment confectionné des vêtements particuliers pour évoquer les "souvenirs fantômes".

Jusqu’au 10 juin
Au Théâtre de l’Île
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