Esther Beauchemin : Douce déchirure
Esther Beauchemin a collaboré avec trois autres artistes à la mise en scène de L’Homme invisible/The Invisible Man. Dans un récit poétique percutant, le Théâtre de la Vieille 17 aborde la délicate question de la déchirure identitaire.
Le projet est né pour la saison 2004-2005, afin de célébrer le 25e anniversaire de la Vieille 17. "On voulait renouer avec les origines de la compagnie tout en soulignant notre attachement à la réalité franco-ontarienne, raconte Esther Beauchemin. Par son univers évocateur et sa poésie mordante, le texte de Patrice Desbiens nous apparaissait l’oeuvre idéale."
Véritable "road theater", L’Homme invisible/The Invisible Man retrace le récit poétique de la vie d’un homme né à Timmins, dans le nord de l’Ontario, qui se rendra à Québec en quête de lui-même. N’ayant ni ami, ni travail, ni compagne, il est perpétuellement confronté à une profonde déchirure intérieure, causée par son appartenance à deux cultures. "Le texte parle de l’invisibilité imposée au personnage par le regard des autres, explique Esther Beauchemin. Par un abus de langage, on pourrait dire qu’il est membre d’une minorité invisible. À Toronto ou à Québec, il est différent, tout en étant semblable à la majorité. Ça fait de lui un être presque transparent."
Patrice Desbiens a écrit L’Homme invisible/The Invisible Man en 1981. "C’est un texte qui est encore d’actualité 25 ans plus tard, lance Esther Beauchemin. Quand on demeure au Québec, on n’a pas conscience de la difficulté de vivre en français dans le reste du Canada. C’est un combat de tous les instants pour la moindre petite chose. On ne retrouve pas réellement l’idée d’une "nation franco-ontarienne"; pourtant, on vit des différences culturelles importantes quand on se compare au Québec ou au reste du Canada."
Pour bien traduire la quasi-schizophrénie culturelle de son personnage, l’auteur donne une place équivalente aux deux langues officielles. "Patrice Desbiens a écrit un texte où le français et l’anglais se traduisent, se répondent et s’affrontent au coeur même du personnage. C’est dans cette lutte que se matérialisent la quête d’identité et le désir d’affirmation."
L’idée de porter à la scène cette oeuvre poétique aux accents politiques est née dans l’esprit de Roch Castonguay. Il y a quelques années, il en avait fait une mise en lecture avec le comédien de Québec Marco Poulin. "Dans cette première version, Roch se chargeait des parties de texte en anglais, alors que Marco s’occupait du français. Quand on a décidé de monter le spectacle, on a voulu se replonger dans l’esprit des créations collectives du début des années 80. On a donc décidé de signer la mise en scène en équipe (Roch Castonguay, Robert Marinier, Robert Bellefeuille et Esther Beauchemin). Ensemble, on a procédé à un aménagement du texte pour sortir du côté systématique de l’alternance français-anglais et pour donner un rythme dramatique à cette oeuvre poétique. Dans le travail, on a pris soin de préserver la simplicité et la beauté de la langue de Patrice Desbiens."
Les 25, 26 et 27 mai
Au Théâtre Périscope
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