Le Transsibérien : Dernier acte
Le Transsibérien, présenté dans un nouvel emballage à la Salle J.-A.-Thompson, clôt tout un chapitre de l’histoire du théâtre L’Eskabel. Rencontre lumineuse avec Jacques Crête, quelques jours avant la tombée du rideau.
Les derniers détails techniques concernant la vente du théâtre L’Eskabel ont été réglés. Jacques Crête, capitaine de ce navire, est désormais libre comme l’air… ou presque. En fait, il lui reste un engagement à respecter: la représentation du Transsibérien (mise en scène de Carole Neil) à la Salle J.-A.-Thompson, pour les 35 ans de L’Eskabel. Ensuite, il pourra faire ce que bon lui semble. L’air radieux, le metteur en scène est détaché de l’instant présent. Son esprit a déjà traversé l’océan et il se repose dans une maison tranquille d’Aix-en-Provence, voisine d’un magnifique vignoble.
On le sent – il le dit d’ailleurs à sa manière au cours de l’entretien -, Jacques Crête n’a plus envie d’entendre parler ni de travail ni de tout ce qui vient avec. L’homme pense plutôt à brûler son agenda et à se réfugier dans le silence pour écrire. Écrire quoi? Il n’en sait rien. Il veut simplement se laisser porter par son instinct, ses désirs les plus purs, vivre selon sa véritable nature. Parce que s’il a été sous les projecteurs pendant les 30 dernières années, il n’en demeure pas moins un être timide, à l’aise dans une solitude quasi monastique. "J’aime être seul. Je n’aime pas beaucoup sortir, ni rencontrer des gens. D’abord, je suis très timide. Ça ne paraît pas… Mais en 35 ans, j’ai développé des trucs. Je ne suis pas bien quand il y a beaucoup de monde. Je suis bien tout seul, en silence. Je suis un moine et j’ai un métier où je suis toujours avec des dizaines et des dizaines de personnes. Probablement que c’est ça qui me permet un équilibre", signale-t-il. Pour ses 60 ans, il se paye donc son dernier grand rêve d’adolescence, soit un séjour d’une durée indéterminée en France, loin des caméras et de la scène. Le billet est d’ailleurs acheté. L’homme part le 30 mai prochain.
C’est presque avec gêne qu’on le tire de ses rêvasseries, et qu’on le ramène à deux pas du fleuve Saint-Laurent, dans un certain bureau de la rue des Forges. Et Le Transsibérien? "Ça n’a plus rien à voir avec L’Eskabel. Il y a le groupe Trois-Quatre, formé de huit chanteurs, et un violoniste, comme à L’Eskabel. Les chanteurs sont présents sans arrêt, dans une mise en scène chorégraphiée du début à la fin. Ils chantent huit fois en russe", explique Jacques Crête. Mais, d’abord, en levée de rideau, on offre un texte de Sarah Bernard, afin de montrer le côté plus populaire du théâtre. "Ensuite, on tombe dans Le Transsibérien, qui est plus la signature de L’Eskabel. Le texte est assez flyé. C’est moi qui joue pour les 35 ans. C’est assez particulier aussi. C’est ma manière de voir – enfin, ce que je n’obtiens pas toujours des comédiens parce qu’on n’est pas toujours sur la même longueur d’onde. Moi, je conçois le théâtre d’une telle façon. Ça fait 35 ans que je fais cette recherche-là. Et j’arrive à incarner ce que je sens du théâtre. On aime ou pas. Mais, pour moi, en théâtre, un acteur ne joue pas un personnage. Il s’approprie un personnage. (…) Je crois que nous avons tout en nous: la putain, le moine, le vieillard…" clame-t-il.
Par ailleurs, la sabbatique de Jacques Crête ne signale pas la mort de la compagnie de L’Eskabel. "C’est en dormance pour une année. Là, si dans deux ans, il ne se passe rien, on verra", admet celui qui attend impatiemment le jour de l’embarquement pour le Sud de la France. Bon voyage, alors!
Le 23 mai à 20h
À la Salle J.-A.-Thompson
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