Jean Robert Bourdage et Bénédicte Décary : Ionesco rencontre Jaoui
Jean Robert Bourdage et Bénédicte Décary nous parlent de Théâtre sans animaux, une pièce de l’auteur français Jean-Michel Ribes, qui se plaît à faire bifurquer dans l’absurde les situations les plus normales.
Ici, on connaît peu l’auteur français Jean-Michel Ribes, mais chez lui, c’est tout autre chose. En 2001 était créée sa pièce Théâtre sans animaux, qui lui a valu le Molière du meilleur auteur, alors que la production remportait celui de la meilleure pièce comique. Avant ces honneurs, l’auteur affichait déjà une feuille de route assez impressionnante: plus de 15 pièces écrites et mises en scène depuis 1970, près d’une vingtaine d’autres oeuvres dont il a signé uniquement la mise en scène, près de 20 scénarios portés au petit ou au grand écran dont Rien ne va plus, qu’il a écrit et réalisé avec Jacques Villeret en 1979. Jean-Michel Ribes a aussi publié plusieurs livres, sans compter ses pièces, pour la plupart disponibles chez Actes Sud.
Jean Robert Bourdage, qui a commencé sa carrière dans l’improvisation et joué dans plusieurs pièces, a choisi ce texte de Ribes pour sa première mise en scène, séduit par l’humour et par l’idée même de courtes pièces. "J’ai trouvé que Jean Robert avait vu juste lorsqu’on essayait de cerner le travail de cet auteur, raconte d’entrée de jeu Bénédicte Décary. Il a dit: "Ribes, c’est Ionesco qui rencontre Agnès Jaoui!""
En 90 minutes, on assistera à sept courtes pièces. La comédienne tente de résumer un peu la situation exposée dans La Survivante, cette brève théâtrale dans laquelle elle joue: "Il y a un gros punch que je ne peux révéler, mais je peux dire qu’il s’agit d’une fille qui est dans un état post-traumatique. Elle vient de vivre un cataclysme et elle se retrouve dans un poste de police à faire un rapport des incidents à un policier, et… la situation dérape." Bénédicte Décary joue également dans Monique et Souvenirs, pièce à laquelle tout le monde participe. "Il s’agit toujours de situations réalistes qui glissent vers l’absurde", poursuit-elle. Mais rien n’appartient tout à fait à l’univers de l’absurde, ni au monde de la comédie: "C’est extrêmement réaliste dès le départ, puis on va vers un déclencheur, un sursaut, précise Jean Robert Bourdage. Parfois, ça peut être très long avant que le premier sursaut arrive, mais ça peut aussi arriver dès le départ. On dirait deux fils qui se touchent et qui provoquent un choc, puis ça y est, on vient de quitter la réalité." "Il n’y a personne qui arrive pour faire des sémaphores, enchaîne Décary, personne avec une pancarte qui dit que nous avons bifurqué dans l’absurde. Ça reste toujours grinçant."
Pour que le sursaut fasse son effet, que le choc ait lieu, Bourdage devait tout de même, dans sa mise en scène, éviter de ne s’en tenir qu’aux effets de la comédie et savoir bien intégrer les instants dramatiques: "Il fallait que cet objet ne soit pas que drôle, que les situations demeurent très réalistes. Par exemple, dans La Survivante, lorsque Bénédicte interprète son personnage, l’émotion qu’elle dégage doit dès le départ être proche de ce que jouerait une actrice qui aurait à incarner quelqu’un qui vient d’assister à un massacre." Il faut aussi s’en tenir à la proposition et éviter de s’emporter dans le cabotinage: "Chaque soir, le grand défi pour les comédiens sera de résister à un public qui va peut-être demander qu’on prenne une certaine direction."
Le spectacle a été réduit (il comportait au départ 15 brèves), pour une question de durée, mais aussi parce que plusieurs références (notamment géographiques) s’avéraient trop françaises. "Mais l’esprit est entièrement conservé, affirme Bénédicte, et il est fascinant d’entendre toutes ces joutes verbales…"
Du 13 au 22 juin
Au Théâtre La Licorne
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