Gad Elmaleh : Pince-sans-rire
Scène

Gad Elmaleh : Pince-sans-rire

Gad Elmaleh s’attaque au quotidien dans son troisième one man show, baptisé L’autre c’est moi! En délaissant le spectacle à sketches, l’humoriste souhaite jouer avec la vie, et aller là où on ne l’attend pas.

"Pour ce nouveau one man show, j’ai remplacé les sketches à l’européenne de mes deux premiers spectacles par le stand up, que vous connaissez bien au Québec", explique Gad Elmaleh, rejoint par téléphone dans un café parisien. "Je suis beaucoup plus dans l’observation du quotidien, et la forme est très liée au fond, dans le sens que grâce au stand up, on peut passer du coq à l’âne avec une grande facilité. On peut aborder les thèmes très différemment quand on s’adresse directement au public."

Les thèmes qui retiennent son attention, en ce moment, sont liés au quotidien, qu’il s’agisse de la décision d’aller voir un psy, de la sexualité, des rapports amoureux et du racisme primaire fondé sur les clichés. L’humoriste et acteur, qu’on a vu en 2003 dans Chouchou, une comédie inspirée de son personnage fétiche de travesti et qu’on retrouve dans son second one man show, La vie normale, s’intéresse aussi aux choses toutes bêtes de la vie, comme le comportement à adopter lors d’une visite chez IKEA: "C’est un endroit très angoissant. C’est vrai", s’exclame-t-il. "C’est l’observation de mon quotidien qui m’a inspiré les sketches de L’autre c’est moi! J’ai la prétention de penser que mon quotidien est intéressant à raconter au public", dit-il, pince-sans-rire.

Depuis quelques années, beaucoup d’humoristes s’inspirent des situations absurdes de la vie pour meubler leurs spectacles, fait que ne conteste pas Gad: "Je crois en fait qu’il s’agit de mettre la loupe sur des choses que tout le monde a déjà remarquées. Quand Daniel Lemire parle de la photo du gamin sur la pinte de lait, tout le monde sait ce que c’est. C’est une image très forte, inspirée du quotidien. C’est de l’observation pure. Tout le monde l’a vue, il suffisait seulement de mettre la loupe dessus. Dans L’autre c’est moi!, je décris des choses que tout le monde connaît. Il suffisait seulement de mettre la loupe dessus", estime l’humoriste d’origine marocaine.

Si Gad connaît bien les comiques de chez nous, c’est qu’il a vécu à Montréal pendant quatre ans avant de s’établir à Paris en 1992, pour suivre le cours Florent de théâtre et de cinéma. Par ailleurs, selon Gad, il ne suffit pas d’avoir de l’audace pour dire tout haut ce que tout le monde pense tout bas: "Ça prend surtout le besoin de raconter. Je n’ai jamais eu envie d’écrire; j’ai toujours eu besoin d’écrire. J’ai besoin de m’exprimer sur les sujets qui m’intéressent, et l’écriture est le prolongement de ce que je suis profondément. Je rencontre des gens, et je ne réfléchis même pas; ensuite, ils se retrouvent dans mon spectacle. Par exemple, le personnage de Chouchou, je l’ai créé suite à ma rencontre avec un travesti d’origine maghrébine. Il y avait un décalage tellement énorme que j’en ai fait un sketch, puis un film. Quand je l’ai écrit, je ne savais pas que le film serait un succès incroyable (4 millions d’entrées en France). Ce qui me motivait, c’était le besoin d’en parler", raconte Gad, qu’on a également vu en 2001 et 2002 dans La vérité si je mens! 2 et A+ Pollux.

UN RIRE NÉCESSAIRE

Le besoin de parler des réalités de la vie est viscéral pour l’humoriste, mais il est aussi nécessaire pour le public, qui se reconnaît plus souvent qu’autrement dans les observations de celui qui a participé plus d’une fois au Festival Juste pour rire (il a même remporté le prix Coup de coeur du public en 2003): "Les gens sont apaisés quand on dit sur scène qu’on va voir un psy une fois par semaine. C’est rassurant de savoir qu’on n’est pas seul. J’adore les gens et la vie profondément. Ça fait peut-être dada de dire ça, mais on ne le fait pas assez. J’aime ressentir que les gens sont apaisés et heureux. Quand je raconte mes séances de psy, les gens sont morts de rire, mais ils sont également soulagés de savoir que j’y suis allé moi aussi. Il y a une guérison dans tout ça", croit Gad.

Depuis 2005, l’humoriste a eu l’occasion de présenter L’autre c’est moi! à travers toute la France, ainsi qu’à Londres, en mars dernier. Jusqu’à maintenant, l’exercice s’est révélé un succès. Gad avoue néanmoins qu’il a ressenti un grand soulagement en constatant que le public aimait son nouveau one man show, qu’il a lui-même mis en scène, car d’après lui, quand on s’adresse directement au public, pas besoin d’être guidé dans une direction d’acteur: "Ça veut dire qu’on peut avoir de la notoriété, manger dans de bons restaurants, et se faire conduire dans une belle voiture, sans devenir complètement distancé de la vie", dit-il.

Cette sensation d’être capable de se "connecter" au ressenti de monsieur et madame tout-le-monde, Gad aime la percevoir, peu importe où elle se produit. C’est pourquoi il a adapté L’autre c’est moi! en fonction du public québécois: "Je me renseigne pour savoir ce que le public que je visite aime. Donc forcément, il y a une adaptation pour le Québec, d’abord parce que je le connais très bien, et parce qu’il fait encore partie de ma vie (il vient régulièrement rendre visite aux membres de sa famille toujours ici). Quand on vit dans un pays, on peut comprendre beaucoup plus que la simple vision qu’ont les touristes. Les clichés au sujet de la France me dérangent autant que ceux sur le Québec. C’est même plus drôle de se moquer des gens qui ont des clichés, que de se moquer des clichés eux-mêmes. Ça ne me dérange pas si tout le monde ne comprend pas mon humour. L’essentiel, c’est qu’il y ait des gens qui le comprennent à fond", croit Gad.

Au fil des ans, le comédien qui a joué dans plusieurs comédies et quelques drames avoue avoir une plus grande disposition pour l’humour que la tragédie: "L’évidence, c’est que la comédie me convient mieux. Même si c’est à mon avis plus de travail de jouer la comédie, c’est ce que je préfère. Et puis, et ça ne me dérange plus de le dire aujourd’hui, entre le cinéma et la scène, je préfère de beaucoup la scène", admet celui qu’on verra en octobre et en décembre prochains au cinéma dans La doublure et Hors de prix.

Les 9 et 10 juillet
Au Théâtre St-Denis 1