Les Hors-la-Loi : Chaise musicale
Scène

Les Hors-la-Loi : Chaise musicale

Les Hors-la-Loi, troupe de théâtre française composée d’acteurs handicapés et non-handicapés, arrivent à Montréal après avoir été acclamés à Paris. Rencontre avec Lila Derridj, membre de ce collectif pas comme les autres.

Le parcours professionnel de Lila Derridj, bien qu’intéressant, ne semble pas, de prime abord, particulièrement hors du commun: détentrice d’une formation d’architecte en bâtiment, elle s’est peu à peu dirigée vers la danse contemporaine, inspirée par les notions de mouvement et d’espace, communes aux deux disciplines. Mais il suffit parfois d’un petit détail pour rendre une destinée somme toute normale complètement fascinante. Dans le cas de Lila, ce dernier est la chaise roulante sur laquelle elle se déplace, joue sur scène et danse.

Pas exactement un "petit détail", dites-vous? Eh bien, à en croire la principale intéressée, c’est le regard des autres qui la déforme et en fait un obstacle. D’ailleurs, elle le souligne elle-même: son but, ce n’est pas d’être une comédienne interprétant des personnages de handicapés. Elle désire interpréter des rôles, des tas de rôles, un rêve qui prouverait qu’on en est enfin venu à considérer toute personne comme étant un individu à part entière. Si elle a accepté de joindre la troupe des Hors-la-loi et d’y incarner Isa, une jeune fille en chaise roulante qui peine à s’accepter, c’est uniquement parce qu’elle a senti que ce spectacle pourrait aider à faire évoluer les mentalités, surtout en France, un pays qui, au dire de la principale intéressée, a une approche totalement "moyenâgeuse" du concept d’acceptation de la différence.

Les Hors-la-Loi sont l’expression d’une volonté de monter un spectacle musical qui mêlerait des acteurs handicapés physiquement à des comédiens non-handicapés. Ils sont nés il y a de cela presque deux ans de la plume de l’auteur Alexandre Bonstein. Il a suffi d’un casting et d’à peine quelques mois de répétitions pour que la troupe obtienne une ovation debout au Théâtre Marigny, à Paris.

Passionnée et pointilleuse, Lila n’a accepté de passer l’audition que lorsqu’elle a été sûre que ni son amour du professionnalisme ni ses hautes exigences artistiques ne seraient bafoués dans le processus: "Je refuse le misérabilisme. Je ne voulais pas d’un spectacle où les erreurs sont permises uniquement sous prétexte que les acteurs sont handicapés."

Le moins qu’on puisse dire, c’est que les concepteurs se sont montrés à la hauteur de ses désirs. Pas de culpabilisation, pas d’émotivité larmoyante. Et si nombre de spectateurs sortent ébranlés de la salle, "c’est parce qu’il existe, entre tous les membres de la troupe, handicapés ou pas, une véritable cohésion, une grande sincérité, une générosité si forte qu’elle en devient palpable, explique Lila. Mais surtout, c’est parce que ce spectacle renvoie les gens à leur fragilité, qu’ils refusent souvent de voir. L’être humain essaye toujours de cacher ses faiblesses, et les non-handicapés y parviennent plus facilement que ceux qui ont un handicap visible."

Côté pratique, Lila loue la prise de conscience à laquelle conduit cette comédie musicale: "On parvient à sensibiliser les gens du milieu théâtral, qui voient que leurs scènes ne sont pas adaptées aux personnes handicapées. Ils se rendent aussi compte qu’ils ne sont pas prêts à accueillir un plus grand nombre de spectateurs à mobilité réduite et réalisent qu’il est impératif de modifier les installations."

Malgré le succès obtenu jusqu’à présent, le parcours n’a pas toujours été (et n’est toujours pas) des plus faciles: "Les gens ont des appréhensions, parce qu’ils ont des préjugés. Ils se disent: "Oh là là! Encore un spectacle avec des handicapés qui va mettre tout le monde mal à l’aise…" Mais nous ne sommes pas des êtres tristes. Nous ne sommes pas à plaindre. Certes, nous portons un stigmate, mais ce n’est pas lui qui définit si on est heureux ou non. Ce qui importe, c’est ce que l’on fait de sa vie, ce que l’on fait de soi…"

Du 11 au 22 juillet
À la Maison Théâtre