Visite guidée : Itinéraire d’un fou curieux

Rester béat d’admiration devant une création artistique et en détester une autre, voilà quelques réactions spontanées que provoque l’art chez le spectateur. Mais, pour exister, une oeuvre d’art a-t-elle nécessairement besoin du regard de ce dernier? Jusqu’où le spectateur doit-il s’approprier une oeuvre pour s’en imprégner? Incursion au coeur d’une cogitation ludique.

Félicie Folavoine (Marie-Ève Pelletier) est une jeune guide de musée plutôt colorée. Elle n’a qu’une envie: faire découvrir aux visiteurs du petit bled de Rivière-au-Mazout – nombreux grâce à la tenue d’une conférence sur le développement durable – une exposition sur les bas-reliefs romains datant de la chute de l’Empire. L’ennui, c’est que tous les invités préfèrent se rincer l’oeil et la dalle au bar à gogo d’à côté. Tous sauf un, Hypolythe de Saint-Ours (Éloi Cousineau). Ce dernier, manchot de sa condition après s’être fait arracher un bras par un épaulard enragé lorsqu’il était enfant, se laissera envoûter par une sculpture baptisée L’Adoption du petit Goth. Félicie, charmée par ce marginal en qui sommeille une douce folie, décidera d’inventer l’histoire de cette oeuvre, question de garder son visiteur en haleine…

QUAND LA FICTION DÉPASSE L’IMAGINATION

Nés du pouvoir d’évocation de Félicie, des personnages tout droit sortis de l’an 300 après J.-C. (interprétés par Marie-Ève Bertrand et Simon Boudreault) prendront vie sous nos yeux. Sur scène, séparées par une simple corde, se confronteront réalité et fiction. Pendant sa délirante reconstitution, Félicie sautera d’une dimension à l’autre, se laissant aspirer par sa propre histoire, tout comme Fanfreluche plongeait dans son livre de contes géant.

Plus Hypolythe se passionnera pour le récit, plus il décryptera la sculpture qui le fascine. Initié et confiant, il franchira la frontière entre l’art et le réel, faisant perdre à Félicie la maîtrise de la situation. "J’ai créé un monstre, un spectateur indésirable!" s’exclame Félicie. En s’immisçant dans l’imaginaire de la guide, Hypolythe provoquera plusieurs situations loufoques…

CORPS ET LANGAGE

Dominick Parenteau-Lebeuf livre ici un texte truffé de rimes et de jeux de mots (parfois redondants) dans lequel son amour pour la langue saute aux yeux. Le clou de la soirée: le renversant numéro de pantomime à la Charlie Chaplin auquel se livrent Éloi Cousineau et Simon Boudreault. Lors de ce passage purement comique, la grange du Domaine Vert à Mirabel, convertie en musée d’inspiration romaine, croule sous les rires du public. La mise en scène très physique de Sébastien Gauthier, également comédien et spécialiste de l’univers des marionnettes, met l’accent sur la performance d’interprètes talentueux, présents et généreux. Toute action est ancrée dans leurs corps.

Rigolade assurée, donc, même si on assiste à l’amorce d’une réflexion intelligente, qui aurait gagné à être développée davantage. On quitte la salle avec une foule de questions sans réponses, mais peut-être était-ce le but de l’exercice, estival, faut-il le rappeler!

Du 29 juin au 26 août
Au Petit Théâtre DuNord
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