Le Théâtre de la Dame de Coeur : De fil en aiguille
Scène

Le Théâtre de la Dame de Coeur : De fil en aiguille

Le Théâtre de la Dame de Coeur fête ses trente ans, trente ans d’exploration artistique, de créations audacieuses et de travail ardu. Rencontre avec Richard Blackburn, son fondateur.

À l’entrée du village, une pancarte annonce fièrement: "150 ans, et ça continue!" Devant nos yeux, les champs s’étalent à perte de vue, les petites maisons parsèment çà et là le paysage.

Ici, c’est Upton, une petite ville située à quelque 80 km de Montréal. Quelqu’un a rendu célèbre un jour le cliché voulant que c’est dans les petits pots qu’on trouve les meilleurs onguents. Si on applique ce stéréotype à Upton, on affirmera sans conteste qu’ici, l’onguent, c’est le réputé Théâtre de la Dame de Coeur. Derrière cette compagnie, un homme passionné par son art: Richard Blackburn. Il y a trente ans, il fondait son théâtre de marionnettes géantes… à Montréal. Deux ans plus tard, poussé par son amour de la nature, il emmenait sa troupe à Upton: "On est parti dans l’autre sens! Alors que tout le monde s’en allait vers la ville, nous avions cette folie de venir en région pour trouver une autre façon de pratiquer notre métier. Nous avons trouvé ce site complètement abandonné, fantomatique… un rêve! Alors, nous l’avons squatté. Pendant dix ans. Dix ans qu’on a passés à se définir sur le plan artistique, à préciser notre vision, et surtout, à convaincre les gouvernements que c’était vraiment intéressant de développer ici un espace de recherche différent de ce qui se fait dans les grandes villes. Finalement, nous avons réussi à obtenir de l’aide et leur soutien. Et c’est comme ça que, comme dirait Garneau, petit pétant, on avance dans l’temps."

Longtemps isolé sur les terres de son site magnifique, le Théâtre de la Dame de Coeur s’est soudain vu propulsé sur la scène internationale, il y a de cela six ans. Japon, Chine, Singapour, Mexique… Le tour du monde, quoi. Ce qui, bien sûr, a poussé certains à reprocher gentiment à la troupe de se la jouer Guy Laliberté et cie. Une critique à laquelle Blackburn s’oppose farouchement: "Comme tout le monde, nous sommes en admiration devant la magnificence du Cirque du Soleil. Mais nous n’avons pas la vision d’affaires d’une multinationale. Nous sommes fondamentalement des artisans." N’empêche que leur travail fascine, principalement sur le continent asiatique. La Dame de Coeur n’a nul besoin de chercher à s’expatrier: ce sont les autres qui viennent la chercher.

Ce fut le cas des Japonais qui ont traversé l’océan afin d’inviter la troupe à prendre part à l’Exposition Universelle d’Aichi en 2005: "En regardant nos présentations sur vidéos, ils ont affirmé que nous avions une façon de faire qui n’était pas citadine. Quand nous leur avons dit que nous étions installés en pleine campagne, ils ont voulu vérifier nos propos. Ils sont venus chez nous et ont compris que c’était vrai!"

Selon Blackburn, cette proximité de la nature influence grandement la troupe: "C’est ce qui nous entraîne vers la métaphore, l’allégorie. Ici, on ne verra jamais Le Petit Prince ou Les légendes du Québec. Nous explorons des histoires neuves pour donner vie à des personnages neufs." Il faut dire que dans la compagnie, la capacité de production est spectaculaire: la durée de vie des productions est de deux ans. Dès qu’un nouveau spectacle de la Dame de Coeur prend l’affiche, les préparatifs commencent pour le suivant. Cette année, c’est le second, et donc dernier été de La chambre des rêves, un conte qui plonge le spectateur dans l’univers onirique d’une petite fille clouée sur un lit d’hôpital. Dans ce spectacle émouvant et étonnant, les marionnettes, dont deux possèdent la voix de Sylvie Léonard, et un comédien (touchant Georges Molnar) prennent possession d’une scène encerclant complètement le public. Le résultat est empli de poésie et de rêve… Blackburn, lui, rêve déjà à la prochaine production.

Jusqu’à la fin août 2006
Sur le site des Grands Spectacles de la Dame de Coeur
Upton