Un monde merveilleux : Juste pour rire… et un peu plus
Un monde merveilleux, présenté au Festival Juste pour rire, n’est pas un rendez-vous avec la subtilité et la finesse d’esprit. Mais le spectacle ne se résume pas pour autant à un grand rire vide.
Lorsque Cass (Anne Dorval) découvre l’étrange perversion que cultive son mari Kip (Stéphane Brulotte), elle troque sa médiocre existence contre une virée à Niagara Falls, où elle compte réaliser ses rêves oubliés. Chemin faisant, elle rencontre Lois Coleman (Josée Deschênes), une alcoolique paumée et suicidaire. Dans leur quête vers le bonheur, les deux complices croiseront notamment une Américaine chauve (Élise Guilbault), un capitaine de bateau esseulé (Normand D’Amour) et un couple de pitoyables détectives privés (Adèle Reinhardt et Denis Houle). C’est le début d’une folle aventure…
ENTRE ABSURDITÉ ET LUCIDITÉ
Sur fond de comédie burlesque et de vaudeville conjugal, le jeune auteur américain David Lindsay-Abaire ne se gêne pas pour critiquer sévèrement le mode de vie de ses compatriotes. Voilà comment un pot de beurre de peanuts devient le symbole d’un pays qui pèche par excès, vicié par l’obsession de régner par la force. Sans oublier la thérapie de groupe qui, calquée sur le modèle d’un talk-show télévisé, évoque le voyeurisme et la facilité avec laquelle on étale au grand jour son intimité pour fuir sa propre détresse. D’autant plus que la "psychologue-clown" de service (l’excellente Élise Guilbault) se fout totalement de l’issue de l’exercice.
La mise en scène imaginative de René Richard Cyr colle parfaitement au caractère surréaliste de l’oeuvre, chaque lieu étant illustré par des accessoires mobiles qui accentuent la dimension loufoque du récit. Mais au-delà des passages axés sur la critique sociale et de quelques répliques savoureuses et divertissantes, on reste sur notre appétit. Du début à la fin, Cass conserve son statut de nunuche hyperactive qui, malgré ses innombrables rencontres, attend un signe du destin pour avancer. De son côté, Lois n’a guère plus de plomb dans la tête et, dans ce monde merveilleux peu substantiel, l’évolution des deux héroïnes, pourtant interprétées par des comédiennes de talent, est malheureusement difficile à percevoir.
Tout au long de cet essoufflant branle-bas de combat qui tourne au drame, on espère voir surgir le "deuxième degré" de compréhension que les artisans de la pièce nous avaient annoncé. En vain. Le discours "profitons de la vie et arrêtons de nous engueuler" est louable, mais n’est-t-il pas un peu réchauffé?
Jusqu’au 22 juillet
Au Monument-National
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