Hors-la-Loi : Hors normes
La troupe française des Hors-la-Loi, composée d’acteurs avec et sans handicaps, présente son spectacle musical dans le cadre du Festival Juste pour rire. Coup de coeur.
L’idée de départ peut laisser présager une avalanche de bons sentiments et de fréquents moments mouchoir. Toutefois, il ne suffit que de quelques instants pour que les préjugés s’envolent et laissent place à l’émerveillement. Le spectateur qui croyait être amené au banc des accusés se sent rapidement à sa place. Et si ce spectacle se distingue de la plupart des autres, ce n’est que par sa qualité.
Petite révélation, la pièce des Hors-la-loi mérite que l’on s’y attarde. Sur scène, dix comédiens, dont six invalides et un sourd-muet. Loin d’ignorer ces handicaps, les personnages ne les exploitent pas pour autant dans un but misérabiliste: ils en rient beaucoup, en parlent avec simplicité, démontrant ainsi au public que ce qui peut sembler anormal, pour certains, n’est que réalité quotidienne pour d’autres. Ce sont d’ailleurs les personnages dénués de handicaps physiques qui s’avèrent ici le plus fortement handicapés sur le plan émotionnel. Comme quoi, le mal de vivre ne se loge pas toujours là où on pourrait le croire…
Soit, donc, la Maison Blue, une résidence pour personnes infirmes qui, pour le temps d’un spectacle, s’improvisent comédiens-chanteurs sous la direction de la complètement allumée Mademoiselle Campiche (hilarante et explosive Ariane Pirie). La troupe est justement en train de chanter un couplet absurde, réclamant qu’on lui "donne du fromage", lorsque deux individus armés font irruption dans la pièce. Tout n’est plus que confusion et panique, jusqu’à ce que Mademoiselle Campiche annonce que ces messieurs ne sont nuls autres que le célèbre metteur en scène Robert (Jacques Verzier) et son associé Gérard Gérard (excellent Patrick Laviosa), invités pour aider la troupe à préparer leur prestation. L’énorme méprise donnera bien sûr lieu aux quiproquos les plus comiques.
La force des Hors-la-Loi réside dans l’intelligence du propos, le jeu des acteurs et le parfait équilibre qui existe entre humour et émotion. Alexandre Bonstein offre un texte touchant sans être pleurnichard, drôle sans être ridicule, réussissant à faire passer le message, sans avoir besoin de le souligner au crayon gras.
Bien qu’inspirée par la caricature, l’observation sociologique demeure juste et fine. Les trois acteurs non handicapés personnifient ainsi les trois types de réactions que peut provoquer le contact avec des personnes infirmes: le bandit Robert, agressif et haineux, hurlant sa peur d’être contaminé par ceux qu’il croit fermement être des "malades", l’inoffensif Gégé qui, pour sa part, se fond dans la masse comme si de rien n’était, et la pathétique Mademoiselle Campiche, qui parle à ses protégés comme s’ils avaient cinq ans et demi.
Tout au long du spectacle, les comédiens revisitent de grands classiques de la chanson francophone, dont une majorité se trouve, bien sûr, liée au thème de la marginalité: Les Dalton, Bonnie and Clyde, Quand on arrive en ville… Et une interprétation éclatée des célèbres Paroles donne lieu à un mélange parfait entre parodie, chant et danse, qui est à l’image exacte de toute cette production: complètement hors normes.
Jusqu’au 22 juillet
À la Maison Théâtre
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