Shopping and Fucking : Marché noir
Scène

Shopping and Fucking : Marché noir

Shopping and Fucking, une pièce du Britannique Mark Ravenhill à laquelle le metteur en scène Christian Lapointe donne toute sa force de frappe.

Sous la houlette de Christian Lapointe, Shopping and Fucking, la pièce à scandale du Britannique Mark Ravenhill, brillamment traduite par Alexandre Lefebvre, atteint sa pleine mesure. La mise en scène, aussi radicale que limpide, adopte une sobriété extrêmement percutante. Pour ce texte, dont la création londonienne provoqua en 1996 une véritable onde de choc, on ne pouvait espérer mieux.

Avouons-le, nous sommes en présence d’un spectacle exceptionnel, complètement atypique. D’abord parce que les thèmes qu’il aborde – sexe, drogue et violence – font littéralement tache dans le panorama généralement bien-pensant du théâtre estival québécois. Ensuite, parce qu’il est le fruit d’un parti pris esthétique que bien peu de créateurs d’ici oseraient seulement approcher. Christian Lapointe ne s’en est jamais caché: il en a contre le réalisme. En ce sens, la production fait office de credo. Alors que plus d’un metteur en scène aurait prosaïquement représenté les sordides tractations de ce groupe de jeunes gens, Lapointe choisit l’évocation, sollicite au plus haut point l’imagination du spectateur. D’une rare cohérence, sa lecture embrasse toutes les facettes de l’univers affolant que dépeint Ravenhill: une civilisation où "magasinage et baise" triomphent. Avec autant de rigueur, la représentation fait résonner la langue et le propos, révèle l’humour aussi bien que le tragique.

La scénographie, les éclairages, les projections, le son, les costumes et les maquillages… toutes les dimensions du spectacle témoignent de la même intelligence, de la même précision. Seule la distribution n’est pas absolument impeccable. Il faut dire que Marcel Pomerlo brûle les planches dans la peau de Brian, prophète halluciné d’un monde dominé par l’argent. Difficile pour Marie-Ève Des Roches, Patrick Martin, Alexandre L’Heureux et Benoît Saint-Hilaire, nettement moins expérimentés, d’en faire autant. Bien que leur jeu soit plus qu’honnête, on ne peut s’empêcher d’imaginer l’intensité d’un tel spectacle s’il était défendu par des comédiens plus chevronnés et surtout plus rompus aux méthodes de Christian Lapointe, un metteur en scène qu’il faudra dorénavant suivre à la trace.

Jusqu’au 4 août
Au Théâtre National
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