Théâtre du Désordre : Le hasard fait bien les choses
Scène

Théâtre du Désordre : Le hasard fait bien les choses

Le Théâtre du Désordre dévoile Trois!, un deuxième spectacle encore plus ludique que le premier.

C’est bien connu, Yann Tanguay affectionne les nombres. Après Douze (12), présenté à La Petite Licorne en 2003 et 2004, voilà que le directeur artistique du Théâtre du Désordre se lance dans une création intitulée Trois! Dans ce nouveau projet, il y a trois auteurs (Louis-Dominique Lavigne, Pascal Lafond et Marie-Ève Gagnon), trois courtes pièces (une tragédie, une comédie et un drame), trois contraintes d’objet (une roche, du papier, des ciseaux), mais il y a surtout trois duos d’acteurs (Diane Lavallée et Élisa Compagnon, Philippe Lambert et Philippe Martin, Delphine Bienvenu et Yann Tanguay), trois tandems de personnages dont le destin est chaque fois bouleversé par l’arrivée d’un troisième individu (toujours interprété par Benoît Dagenais). Pour mettre en scène ce spectacle, dont l’initiateur précise qu’il ne s’agit surtout pas d’un festival de courtes pièces, on a choisi Stéphane Saint-Jean.

LES RÈGLES DU JEU

C’est par l’intermédiaire d’une pige que les contraintes et les acteurs ont été attribués à chacun des dramaturges. Le coordonnateur artistique du projet explique que le hasard intervient ici comme un déclencheur. De telles règles permettent de s’engager plus certainement dans un processus de création inusité: "C’est une manière de pousser les créateurs, aussi bien les auteurs que les acteurs et le metteur en scène, hors de leur zone de confort, de les mettre en danger." Le sourire aux lèvres, Stéphane Saint-Jean affirme avoir accepté la direction de ce spectacle par naïveté: "C’est terrifiant! Vertigineux! On est face au néant. Mais c’est lorsqu’on a peur qu’il faut plonger." À en croire le metteur en scène, les trois dramaturges ont pris un malin plaisir à lui tendre des pièges: "On croirait qu’ils ont tous voulu me lancer des défis, qu’ils ont choisi d’écrire tout ce qu’il est compliqué de faire sur une scène. À moi maintenant de trouver des solutions."

Outre le registre à adopter et l’objet à employer, les auteurs n’ont eu d’autres indications que celles d’installer une relation entre deux personnages, puis de confronter le duo à l’arrivée d’un troisième. En lançant une telle prémisse, Yann Tanguay prenait le risque de voir ressurgir, sous une forme ou sous une autre, le sempiternel trio amoureux: "J’espérais que ça débouche sur de nouvelles voies, que les réponses soient radicalement différentes de ce qu’on a l’habitude de voir." Il semble que les voeux du créateur aient été entièrement exaucés: les trois pièces sont contrastées à souhait, ce ne sont pas des histoires strictement sentimentales, et le troisième protagoniste occupe chaque fois des fonctions tout à fait inattendues. Toutefois, par souci de cohérence, on a veillé à ce que le troisième larron soit toujours le même personnage. Ses apparitions récurrentes confèrent au spectacle son unité.

Diane Lavallée incarne une mère dans la tragédie de Louis-Dominique Lavigne, une femme qui entretient un lien ambigu, voire malsain, avec sa fille. Même si elle s’est maintes fois abandonnée à l’univers absurde de Claude Meunier, la comédienne avoue être soufflée par l’étrangeté de cette courte pièce: "C’est totalement abstrait! Je compare ça à de la danse moderne. La mère et la fille ne cessent de dire une chose et son contraire." Selon Stéphane Saint-Jean, cette relation exprime l’échec des mots, leur incapacité à traduire les sentiments. Moins déstabilisantes, les deux autres pièces ne sont pas classiques pour autant. Il semble que les personnages de Marie-Ève Gagnon exposent leurs drames (et explosent) et que ceux de Pascal Lafond évoluent dans une comédie réglée au quart de tour.

Du 5 au 23 septembre
À l’Espace Libre
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