Corps étrangers : À fleur de peau
Scène

Corps étrangers : À fleur de peau

Corps étrangers, une fantaisie que le metteur en scène Éric Jean et les membres du Cuatro Milpas Teatro opposent à la peur.

Guidés par Éric Jean, les acteurs du Cuatro Milpas Teatro ont creusé la mémoire de la chair, ils ont osé s’engager dans les profondeurs de l’âme. Les fragments d’humanité que leurs improvisations ont libérés, Anne-Catherine Lebeau les a traduits et Pascal Brullemans les a inscrits sur la page. Fruit de la rencontre de deux cultures, Corps étrangers (Cuerpos extranos) est une belle et chaotique introspection. Dévoilée il y a près d’un an à Colima, une ville de l’Ouest du Mexique, cette fantaisie en neuf chapitres fait maintenant escale à Montréal.

Particulièrement émouvant, le préambule, une polyphonie d’impressions montréalaises et de réminiscences mexicaines, cristallise à lui seul l’expérience vécue par les sept comédiens de la troupe. Le spectacle n’est pas encore vraiment commencé que déjà on est charmé par la diversité des morphologies, la puissance des regards et la noblesse des statures. Dans ces contrées imaginaires, on se déchire pour mieux s’aimer. Pour accéder au bonheur, il est nécessaire de chasser la peur, de transcender la mort. Impossible, pour le spectateur, de rester indifférent devant un tel déploiement de violence, mais surtout devant un aussi indomptable fleuve de sensualité. Sur un plateau incliné, toujours en déséquilibre, les acteurs peignent dans l’espace, avec quelques costumes et quelques accessoires, mais surtout avec leurs corps, longilignes ou pulpeux, les neuf tableaux du spectacle.

Dans cette fresque aux couleurs nombreuses et contrastées, il arrive qu’une enfant soit vendue, qu’un homme soit brûlé vif ou qu’une femme soit violée, mais il arrive aussi que la séduction supplante tout, que les fantasmes deviennent réalité, que l’eau jaillisse comme le désir et que le jus d’une pastèque ruisselle comme la sève après l’amour. Tout comme la vie, cette collection de souvenirs réunit des instants bigarrés, "tenus ensemble par la force de l’amour". Certains diront qu’une telle succession de moments ne constitue pas un spectacle. Ils n’auront pas tout à fait tort. Si le metteur en scène arrimait ses somptueuses images à une riche trame narrative, il achèverait sûrement de nous envoûter.

Jusqu’au 16 septembre
Au Théâtre de Quat’Sous
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