La Dame aux camélias : Fleur de la passion
Scène

La Dame aux camélias : Fleur de la passion

La Dame aux camélias: un véritable concentré de fusion passionnelle.

Si le roman d’Alexandre Dumas fils raconte une histoire d’amour fiévreuse et tragique, la version proposée par René de Ceccatty ramène tout à la passion destructrice qui happe Armand Duval et Marguerite Gautier. Lui est issu d’un milieu bourgeois et provincial; elle mène la vie d’une courtisane au 19e siècle. Elle plane sur le monde, mais son vol chancelant est empreint d’une fragilité extrême et d’une douloureuse envie d’aimer et d’être aimé. Même si leur milieu social respectif les oppose, les deux amants décident de s’abandonner l’un à l’autre. On assiste alors à la naissance d’un sentiment qui ravage tout sur son passage.

L’URGENCE D’AIMER

Avant le début des représentations, les deux comédiens nous avaient prévenu de cette urgence qui guide Armand et Marguerite. Qu’à cela ne tienne, on est décontenancé par cette violence naïve et sincère qui régit les mouvements des deux amants, pressés qu’ils sont d’affirmer leur amour avant même d’y avoir goûté. Voilà peut-être pourquoi on reste tout d’abord perplexe devant la candeur d’un Armand qui se jette sur Marguerite pour l’embrasser goulûment ou lorsque, dans un geste puéril et romanesque, il la soulève brusquement pour la prendre dans ses bras. On sent la symbiose des corps, mais on cherche celle de l’esprit. En revanche, plus le récit avance, plus on se laisse convaincre par la sincérité de cette fougue, d’abord, parce que le texte – que René de Ceccatty a parfois modifié, mais dont la majorité a été puisée dans le roman de Dumas fils – est tout simplement magnifique, ensuite, parce que les comédiens s’investissent corps et âmes dans leurs personnages. Sébastien Ricard déstabilise dans le rôle de ce jeune homme contaminé par une jalousie maladive, découlant d’un amour démesuré. Anne-Marie Cadieux interprète avec justesse une Marguerite éprise de liberté, mais prisonnière d’un corps malade, apeurée par l’amour et enivrée par la fulgurance des sentiments. Malgré le fait que tout s’enchaîne très rapidement dans ce récit basé sur le souvenir, les deux comédiens réussissent à livrer l’émotion au public, tout en la racontant. Monique Spaziani est savoureuse dans la peau d’une Prudence rigolote, mais beaucoup plus sensible et subtile que celle imaginée par Dumas fils. Le père d’Armand, brillamment campé par Paul Savoie, est également dépeint avec plus d’empathie.

RÊVER ÉVEILLÉ

La mise en scène de Robert Bellefeuille est splendide. Toute l’action se déroule dans un seul et même lieu. Uniquement composé de chaises, d’un lustre décroché et d’objets en verre illuminés, l’espace scénique est vaste et dépouillé, séparé en deux par un panneau dans lequel sont découpées des portes. Les rares éléments concrets prennent une valeur symbolique. Les jeux de lumière d’Étienne Boucher entre l’avant et l’arrière-scène donnent à chaque tableau un caractère onirique et distinct. Les couleurs franches éblouissent. Et que dire des somptueux costumes d’époque de François Barbeau… Voilà donc une histoire d’amour réaliste dont l’enveloppe tient du rêve. Une contradiction toute désignée pour illustrer un amour impossible.

Jusqu’au 30 septembre
Au Théâtre du Nouveau Monde
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