Le Ballet Flamenco Arte de España : Tremblay sauce flamenca
Scène

Le Ballet Flamenco Arte de España : Tremblay sauce flamenca

Le Ballet Flamenco Arte de España transporte Les Belles-Soeurs de Michel Tremblay sous le soleil d’Andalousie. Une adaptation très libre pour une expérience inédite.

Tout a commencé quand Laura Lynne McGee, danseuse et chorégraphe au sein de la plus grosse compagnie montréalaise de flamenco, a entendu une amie parler de ses études sur les similitudes entre Michel Tremblay et Federico Garcia Lorca, génial poète et auteur espagnol tué par les franquistes en 1936. Sachant que les pièces de Lorca ont quasiment toutes été déclinées en flamenco, elle tente d’imaginer ce que ça pourrait donner avec Tremblay. "J’ai tout de suite pensé aux Belles-Soeurs parce qu’il y a 15 femmes, raconte celle qui a succombé à la passion de la danse andalouse il y a une vingtaine d’années. Comme il y a peu de danseurs masculins à Montréal, c’était pratique."

Impossible cependant de faire taper des pieds et des mains des Québécoises du siècle dernier. Il faut transposer l’action dans la péninsule ibérique. Mais alors, par quoi remplacer les fameux timbres Goldstar qui rassemblent Germaine Lauzon et ses compagnes, suscitant la convoitise, révélant les personnalités et attisant les conflits? Par le safran, azafrán dans la langue de Cervantès, épice de grande valeur qui donne son titre au spectacle: Azafran Or Rouge. "En relisant la pièce, j’ai trouvé que son rythme ressemblait à celui du flamenco avec une alternance de temps morts et d’explosions, poursuit Laura Lynne McGee. C’est une danse qui me fait penser aux montagnes russes avec des moments de sensations extrêmes et des retours au calme."

Invité à une répétition par l’équipe de l’émission Prochaine sortie, Michel Tremblay aurait été agréablement surpris de reconnaître clairement des temps forts de son oeuvre – ses réactions seront diffusées le vendredi 15 septembre à 19 h à Radio-Canada. Ceci, malgré l’adaptation très libre et l’absence totale de dialogues. "Aussi, la letra traditionnelle des chansons [N.D.L.R. les paroles] correspond parfois aux personnages mais pas nécessairement, explique la chorégraphe. J’ai travaillé le concept d’un groupe de femmes avec des personnalités différentes, de quelqu’un qui entre et brise le rythme, de la richesse convoitée par toutes, mais je n’ai pas voulu trop coller à la pièce."

Depuis qu’il a été fondé en 1990 par la danseuse et chorégraphe Lina Moros, le Ballet Flamenco Arte de España puise souvent dans les arts pour créer ses chorégraphies, mais l’inspiration peut surgir de n’importe quelle source. "J’ai déjà créé une pièce à partir du ciel de Cadix à huit heures et quart le matin au mois de septembre, commente Laura Lynne McGee, soulignant l’immense diversité des styles et des oeuvres de flamenco. Les chansons aussi peuvent parler de n’importe quoi: ça va des grandes histoires d’amour aux tragédies du type »j’ai vu mourir mon frère », en passant par des choses très naïves comme »il y avait un olivier et dessous il y avait un chien » ou »j’aime ma ville, ma rue, ma mère », etc."

De même, la gamme des sentiments qui vibrent dans un spectacle de flamenco est également très large. La dimension théâtrale et l’intensité des émotions exprimées font d’ailleurs partie de ce qui séduit les spectateurs et de ce qui a conduit Laura Lynne McGee à bifurquer de l’art dramatique vers la danse. "Il y avait le côté exotique et mystérieux de la discipline, mais le flamenco est avant tout un art complet qui résumait bien mes attentes par rapport à la scène, se souvient l’artiste aujourd’hui quadragénaire. Et que je sois sur scène ou sur un tablao [N.D.L.R. estrade dans un restaurant ou un autre lieu], je joue un rôle. Je ne suis plus moi." Reconnaissant que la féminité qui s’exprime dans le flamenco permet de dépasser certaines limites imposées par son éducation, Laura Lynne McGee avoue apprécier de pouvoir vivre librement une agressivité généralement mal vue chez la femme. Entre rage et tendresse, désir et jalousie, les neuf danseuses d’Azafran… et leurs quatre musiciens ne devraient laisser personne indifférent.

Les 20 et 21 septembre
Au Club Soda
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