Trois! : Miser sur le bon numéro
Scène

Trois! : Miser sur le bon numéro

Trois!, la deuxième création du Théâtre du Désordre, offre une franche rigolade.

Yann Tanguay, directeur artistique du Théâtre du Désordre, a indéniablement le goût du risque. Avec Douze (12), la première création de sa compagnie, comme avec Trois!, la plus récente, il a tout misé sur le même numéro, faisant pleinement confiance au hasard. Le plus beau, c’est que cette fois encore, le jeune créateur remporte la mise.

C’est la tragédie de Louis-Dominique Lavigne, Non bon oui non non bon!, qui ouvre le bal. Le dramaturge, qui a l’habitude d’écrire pour le jeune public, s’en donne ici à coeur joie, employant une langue particulièrement truculente, un style on ne peut plus exubérant. Diane Lavallée (en grande forme) et Élisa Compagnon (perfide à souhait) sont Hélène et Pénélope, mère et fille. Leurs échanges, truffés d’allusions à la tragédie antique, tiennent pourtant plus d’Ionesco que d’Euripide. Si on perd parfois de vue le sens exact de leurs pourparlers, on ne rompt jamais avec le plaisir fou qu’ils nous procurent. Dans la peau du visiteur, un boucher barbu à la mine patibulaire, Benoît Dagenais est irremplaçable! Dans L’Altruiste, comédie de Pascal Lafond, Philippe Martin est Ernest, un brave type qui a pour ainsi dire tout donné, et Philippe Lambert, Alcide, un père qui doit à tout prix mettre la main sur la seule chose qui reste à Ernest: un cervelet. Quand leurs tractations commencent à s’enliser, le troisième larron vient heureusement mettre le feu aux poudres. D’une certaine manière, c’est également ce qui se produit dans No Matter What, le drame de Marie-Ève Gagnon. Dans un centre de prélèvement, une préposée hargneuse (Delphine Bienvenue) et un jeune gai (Yann Tanguay) sont sur le point d’en venir aux coups. Le garçon est anxieux. L’infirmière est raciste, homophobe et agressive. Et puis voilà que notre boucher sympathique débarque et pousse les deux antagonistes à la confession. Grâce à lui, la situation se nuance, on accède au drame des trois personnages, à l’individu tapi au creux des apparences.

Bien que le spectacle mis en scène par Stéphane Saint-Jean ne s’affranchisse jamais complètement de sa nature tripartite, il entrelace allègrement les registres, met en valeur des acteurs de talent et suscite le rire avec intelligence.

Jusqu’au 23 septembre
À l’Espace Libre
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