Vincent Bolduc : Assoiffés
Scène

Vincent Bolduc : Assoiffés

Vincent Bolduc, qui signait La Soif de l’or comme "oeuvre de sortie" à l’École nationale de théâtre du Canada, verra sa pièce adaptée pour la première fois dans un cadre professionnel au Théâtre de l’Île. Rencontre.

Fort d’une large expérience comme comédien au théâtre et à la télévision, Vincent Bolduc a ajouté une solide corde à son arc en acquérant un diplôme du programme d’écriture dramatique à l’École nationale de théâtre (ENT) du Canada en 2001. Depuis, il a écrit de nombreux textes pour la télévision – notamment pour des émissions jeunesse – ainsi qu’une fiction pour la radio. Ayant étudié la façon de travailler la structure et l’intrigue avec Jean-Marc Dalpé, Vincent avait ensuite été "coaché" par Raynald Robinson lors de la rédaction de cette pièce. "Des personnages me sont apparus, j’avais envie de les laisser me raconter leur histoire, parce que j’ai tendance à retenir, à vouloir raconter mon affaire, relate-t-il au bout du fil. J’avais écrit des scènes de façon très libre, il n’y avait pas de noms de personnages, juste des bouts de discussion, de dialogue… Et avec le recul, l’histoire m’est apparue d’elle-même par les personnages, par les situations."

Se déroulant dans une ville minière, La Soif de l’or raconte l’histoire d’un déséquilibre dans la vie d’une communauté, après l’arrivée d’un étranger venu faire un rapport sur le travail des mineurs. Tout basculera lorsqu’un meurtre sera commis. Les six personnages de la pièce feront alors face à leurs propres démons, mais aussi à la place de l’autre dans leur vie.

Initialement, Vincent avait été attiré par un fait divers dans le journal: un meurtre s’était produit dans un champ et on décrivait ce qui avait été trouvé sur la scène du crime. "C’était mystérieux, et je me suis demandé ce qui avait pu se passer pour que ces éléments se retrouvent là." Dans la pièce, ces mêmes éléments seront trouvés, et chaque objet agit tel un indice dans le casse-tête qui mènera à la clef de l’intrigue, donnée qu’à la toute fin. "Je voulais parler de la communicabilité, de la difficulté à dire ce qu’on ressent, ce qu’on désire. Quand on parle de la soif brièvement au début de la pièce, c’est justement cette soif qui est inassouvie et qui est perpétuelle chez les personnages, qui cherchent à obtenir quelque chose et qui n’arrivent pas à mettre la main dessus. C’était vraiment le sentiment de départ que j’avais envie de traduire."

Si le communiqué de presse du Théâtre décrit la pièce comme un "suspense passionnant", Vincent avoue ne pas l’avoir écrite dans cette perspective: "J’ai toujours envie que les informations ne soient pas données jusqu’au bout, j’aime ça quand je suis au bout de ma chaise, quand j’ai envie de me lever à tout instant pour essayer de comprendre, de voir ce qui se passe. Dans ma façon de raconter, j’ai toujours envie d’aménager l’information, pour ajouter ce suspense, mais je ne l’ai pas abordé comme tel."

Privilégiant les scènes à deux ou trois personnages, la pièce témoigne bien des influences télévisuelles de son auteur, rendant l’intimité dans une forme de caméra rapprochée. "Naturellement qu’à l’École nationale, où j’ai fait un bain théâtral, j’ai dû faire abstraction des concepts télévisuels qui m’habitaient, avec lesquels j’avais grandi, c’était inévitable. Mais il est vrai que c’est en moi, c’est ce qui me parle le plus, je ne fais pas dans les pièces baroques ou épiques, je m’en vais beaucoup plus vers l’intimité, une forme de réalisme émotif."

Après son adaptation par les finissants de l’École nationale en 2003, Vincent verra donc La Soif de l’or adaptée pour la première fois dans un cadre professionnel au Théâtre de l’Île, dans une mise en scène d’Isabelle Belisle. Ève Alexandre-Beaulieu, Alain Dubreuil, Guillaume Houët, Geneviève Lefebvre, Matt Miwa et Catherine Rousseau prendront les traits des personnages évoluant dans le "thriller" émotif. "C’est la première fois que le texte part sans que je sois impliqué dans le processus et je trouve ça très excitant, explique-t-il. La metteure en scène m’a référé à une sculpture en bronze au Musée d’art contemporain de Montréal. Je suis allé la voir et ça représente exactement le sentiment que j’avais en écrivant la pièce: un pied est agrippé par une main à la cheville et donne vraiment l’impression de quelqu’un qui veut marcher, faire un pas, mais quelqu’un le retient. Ça m’a confirmé qu’elle avait compris l’émotion de la pièce, ça m’a vraiment mis en confiance", conclut le dramaturge.

Jusqu’au 21 octobre
Au Théâtre de l’Île
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