Jean-Philippe Joubert : Réunion de famille
Scène

Jean-Philippe Joubert : Réunion de famille

Jean-Philippe Joubert signe la mise en scène des Muses orphelines, à la Bordée. Lancement de saison et de célébrations, pour un théâtre qui fête ses 30 ans.

La pièce de Michel Marc Bouchard n’ayant plus vraiment besoin de présentation, disons simplement qu’après avoir été abandonnés par leur mère, 20 ans plus tôt, trois soeurs et un frère s’y retrouvent confrontés à la perspective de son retour imminent. "C’est une histoire de famille, résume Jean-Philippe Joubert. Mais aussi, d’opposition entre soi et le groupe d’appartenance. Et c’est ce que j’ai voulu mettre en valeur, le tiraillement entre sa vie et notre vie, entre rester et partir." Pour ce faire, sa mise en scène s’appuie notamment sur l’environnement de Saint-Ludger. "On y parle beaucoup des barrages de la rivière Péribonka, alors on a installé un barrage derrière, qui est pour moi comme ce gros paquet de larmes retenues, dont Martine parle à un moment donné. Son aspect massif en fait une menace très présente", remarque-t-il, avant de poursuivre: "Ils sont envahis par un environnement hostile, où tous les niveaux sont très difficiles à fréquenter pour arriver dans la maison, soutenue par des arbres morts, alors que leur salle commune est un bac de sable, dans lequel ils sont pris et qui module leurs déplacements."

Quoi qu’il en soit, sa tâche a surtout consisté à s’attacher le plus possible à la vérité du texte. "C’est vraiment une pièce bien écrite. Donc, quand on lit, on dit et on fait ce qui est là, c’est magnifique. Sauf que c’était un grand travail de trouver la justesse de tout ça, relate-t-il. Je pense qu’il y a une place pour l’interprétation du metteur en scène, mais on est très organisé par cette histoire. C’est tellement fort. Dès qu’on essaie d’avoir une idée en dehors, ça ne fonctionne pas. Il n’y a pas de travail de recherche sur la façon de jouer; il ne faut pas. Les personnages sont touchants; ils doivent être vrais." À leur sujet, il observe par ailleurs: "Ils sont très contradictoires, extrêmes, et c’est ce qui fait leur beauté. Catherine aime, mais ne sait pas comment aimer. Martine, la militaire, a abandonné cette famille durement et, au fond, y reste très attachée. Luc, le gars qui écrit, est un peu extravagant et en même temps blessé. Tandis qu’Isabelle, la plus jeune, qu’on dit pas très brillante, sent les choses plutôt que de les comprendre, ce qui lui donne un pouvoir sur les autres, qui ne sont pas capables de le faire. En annonçant le retour de la mère, elle force le bilan de chacun. Et de cette crise découlent des situations extrêmement denses. L’essentiel de la famille est là."

À ce propos, il apprécie d’ailleurs que les comédiens (Sophie Dion, Laurie-Ève Gagnon, Patrick Ouellet et France Larochelle), qui se connaissaient à peine au départ, soient parvenus à développer une véritable chimie fraternelle. "C’est ce qui me fascine beaucoup sur scène, commente-t-il, qu’on sente cette famille, avec ses tensions, ses moments de bonheur, ses complicités. La chicane qui pogne et le rire qui arrive en deux répliques. C’est comme ça, une famille." Enfin, c’est différent pour chacun, aussi sûrement que commun à tous, "qu’elle soit près ou loin de nous". "Je pense que chaque personne lit le spectacle en fonction de sa propre expérience. Tout ce que j’ai à faire, c’est de m’assurer que les situations et l’émotion soient suffisamment présentes pour que chacun le vive à sa façon", conclut-il.

Jusqu’au 14 octobre
Au Théâtre de la Bordée
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