La Fin de Casanova : Le dernier sommeil
Avec La Fin de Casanova, Denis Marleau nous fait communier avec une autre des avant-gardes littéraires du 20e siècle.
En pénétrant dans le lieu imaginé pour La Fin de Casanova – la salle monacale d’un château de Bohême, le dernier soir de 1799 -, on ressent l’agréable impression d’investir un territoire connu, comme s’il s’agissait d’un retour au bercail. C’est que, dans ce huis clos feutré, dans la rencontre qui est sur le point de s’y produire, il y a un caractère propre aux spectacles de Denis Marleau, bien plus qu’une signature ou une esthétique. On pourrait croire que la quarantaine de voyages où le directeur artistique de la compagnie Ubu a engagé son public depuis 1982 sont imbriqués les uns dans les autres.
Le metteur en scène nous entraîne à nouveau dans l’écriture énigmatique et fascinante d’une figure méconnue de la littérature du 20e siècle. On entre de plein gré dans les méandres d’une langue impétueuse, celle de l’écrivaine russe Marina Tsvetaïeva, reconstituée par André Markowicz. Dehors, la tempête s’abat. Casanova se dirige vers la mort, abdique doucement. Après avoir parcouru les lettres de ses innombrables amantes, il s’empresse de les brûler. Soudain, Francisca, une fillette de 13 ans, surgit et lui déclare son amour. Au cours de cette fugace et improbable rencontre, durant le bref instant où ces deux trajectoires se croisent, une passation des pouvoirs a lieu. Quand le vieil homme quitte la pièce, la jeune fille dort profondément, rêvant le siècle à venir, le sien.
Ici comme ailleurs, Pierre Lebeau est totalement investi dans son personnage. Il a repris le rôle au pied levé. Qu’à cela ne tienne, l’acteur se métamorphose à nouveau, foule la scène d’un pas différent, fait retentir une voix nouvelle, dessine un individu inconnu. Grâce à lui, toute l’écorce de Casanova semble palpable: du maître des caresses qu’il a été au roi boiteux qu’il est devenu. Dotée d’une excellente diction et d’une sensibilité manifeste, Éliane Préfontaine incarne toute la fougue de Francisca. En s’aventurant dans une matière aussi dense, Denis Marleau savait pertinemment qu’il n’en débusquerait pas toutes les significations. En effet, malgré toutes ses qualités, le tableau comporte toujours des zones d’ombre. Ne reste plus au spectateur qu’à éclairer l’oeuvre de ses lumières.
Jusqu’au 7 octobre
Au Théâtre Espace Go
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