L’Évangile selon Salomé : Sur un plateau d’argent
Avec L’Évangile selon Salomé, Alexandre Marine s’approprie le mythe d’une manière tout à fait personnelle.
En signant la mise en scène de L’Évangile selon Salomé, son troisième texte de théâtre, Alexandre Marine s’inscrit dans une longue tradition d’artistes inspirés par la trajectoire de la fille d’Hérodiade. Sous la houlette du Théâtre Deuxième Réalité, le mythe est entièrement revu et corrigé, transformé en un sulfureux et cruel roman d’apprentissage.
Puisque l’histoire nous est racontée du point de vue de Salomé, une jeune femme de treize ans dont la lucidité s’accentue à un rythme effréné, la représentation offre les élans vifs et contrastés de l’adolescence. Dans un lieu dépouillé où s’entrelacent le rouge et le noir, les fureurs d’Éros et Thanatos, elle s’avance, prend le spectateur à témoin et déclare: "Au commencement était la concupiscence…" Parmi les membres de la lignée d’Hérode, c’est bien connu, la concupiscence est transmise comme un legs précieux. Avec une mère aussi douée qu’Hérodiade, Salomé fait rapidement l’apprentissage de la séduction et goûte au pouvoir qu’elle procure. Puis, elle découvre aussi vite que la concupiscence "est une bête féroce qu’il faut nourrir sans cesse". Là où la relecture d’Alexandre Marine diverge de la version officielle, c’est en ce qui concerne la décapitation de Jean-Baptiste. Sa thèse: Salomé n’est pas aussi coupable qu’on nous l’a fait croire. Après tout, il y a toujours un contexte, une société, un milieu qui poussent un adolescent à commettre un geste irréparable.
Dans la peau de Salomé, Marie-Ève Beaulieu exprime avec autant de sincérité la candeur et la ruse de son personnage. À ses côtés, Igor Ovadis (Philippe), Vitali Makarov (Antipas), Monia Chokri (Hérodiade), Philippe Cyr (Jean-Baptiste) et Marina Eva (Abisag) manquent parfois de nuance. Empruntant au tragique, au burlesque, au comique et à la dérision, entrelaçant ironiquement la danse, le rock du projet MU et la comédie musicale à l’américaine, la représentation impose une multitude d’avenues, un foisonnement de tons dans lequel il aurait fallu choisir. On ne peut s’empêcher d’imaginer ce que le spectacle aurait gagné si son créateur avait osé procéder à un tri.
Jusqu’au 23 septembre
Au Théâtre Prospero
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