Louise Marleau dirige Catherine Renaud : Le jeu de la vérité
Louise Marleau dirige Catherine Renaud dans un rôle qu’elle a créé il y a 40 ans, celui de Geneviève, l’héroïne de la pièce Au retour des oies blanches.
En 1966, sous la houlette de Louis-Georges Carrier, Louise Marleau créait le rôle de Geneviève, personnage-clé d’une nouvelle tragédie de Marcel Dubé: Au retour des oies blanches. Quarante ans plus tard, la comédienne signe sa première mise en scène professionnelle au théâtre en dirigeant cette même pièce. C’est à la lumineuse Catherine Renaud, dont ce sera le deuxième rôle au théâtre, qu’elle a offert le délicat personnage de Geneviève. La metteure en scène a ainsi l’impression de remettre ce qu’on lui a donné, de revisiter le passé pour en faire du présent: "C’est le premier rôle très marquant que j’ai joué au théâtre. Ce rôle, il n’y a que moi qui l’ai joué. Alors, le confier à quelqu’un d’autre, c’est un véritable cadeau!"
Quand Louise Marleau a avoué à Denise Filiatrault son désir de mettre en scène Au retour des oies blanches, la directrice artistique du Rideau Vert a été enchantée: "Elle a trouvé la pièce formidable. Elle a dit qu’elle n’avait pas vieilli d’une once, qu’elle était magique, éternelle et qu’elle serait contente que je fasse, chez elle, ma première mise en scène." Précisons que la comédienne n’en est pas exactement à ses premières armes dans le domaine. À l’Opéra de Québec, il y a quelques années, elle signait la mise en scène de la Manon de Massenet et, plus récemment, de la Carmen de Bizet: "Quand on est mal pris à l’opéra, il y a toujours la musique et les belles voix pour nous sauver de bien des questionnements, alors qu’au théâtre on a uniquement la voix, le corps et le texte à livrer. Il faut que tout soit peaufiné, qu’on sache exactement où on va." Pour choisir les huit comédiens d’Au retour des oies blanches, la metteure en scène s’est fiée à la physionomie, à l’énergie, à la voix, au talent… et pas du tout au CV. En somme, elle a écouté son instinct. Ainsi, aux côtés de trois acteurs chevronnés, on retrouve cinq nouvelles têtes. Parmi elles, Catherine Renaud réalise à peine ce qui lui arrive: "C’est un rôle immense! Heureusement, je sens que Louise est de tout coeur avec moi."
SECRETS DE FAMILLE
Au coeur de cette pièce, il y a une famille, les huit membres d’un clan de la petite bourgeoisie de Québec, prêts à tout pour sauver les apparences. Il y a Achille (Jean Marchand), le père, homme politique en disgrâce, Elizabeth (Marie-France Lambert), la mère, qui a sombré dans l’alcool, Amélie (Catherine Bégin), la grand-mère pieuse et accommodante, Robert (Étienne Pilon), le fils délinquant et Geneviève (Catherine Renaud), la supposée névrosée par qui la vérité et le drame vont éclater. Il y a aussi Laura (Agathe Lanctôt), une amie de Geneviève, Richard (Hugo Massicotte), un ami de Robert, et Manon (Marie-Claude Garneau), la bonne. Il y a aussi l’oncle Tom, l’absent, l’inaccessible, aimé par les uns, détesté par les autres, avec la même ferveur. Difficile de trouver autant de secrets et d’hypocrisie – alcoolisme, homosexualité, inceste, viol, infidélité, etc. – dans une seule et même famille. Malgré tout, la bienséance règne, mais plus pour bien longtemps: "C’est la seule vraie tragédie que Dubé a écrite, estime Marleau. C’est-à-dire la seule pièce qui mette en scène une véritable héroïne tragique."
À la manière d’Antigone, Geneviève est guidée par une soif d’authenticité, une quête désintéressée, plus grande qu’elle. Qu’en pense la jeune comédienne qui l’interprète? "Faire émerger la vérité est une nécessité pour elle, sinon elle étouffe, elle meurt. Pour moi, c’est pratiquement la voix de toute une société." Le combat de Geneviève, au coeur de l’oeuvre, serait encore d’une criante actualité. Après Zone, de passage au Rideau Vert l’an dernier, les Productions Kléos dévoileront cette saison, au Théâtre Denise-Pelletier, leur relecture de Florence. Comment Louise Marleau, qui a joué dans plusieurs des pièces de Dubé, explique-t-elle l’engouement actuel pour sa dramaturgie? "J’ai l’impression que ça signifie quelque chose quant à la confirmation de notre identité. À l’époque où on était en quête d’identité, les aspects politiques et artistiques se mélangeaient: la chose artistique était soumise au politique. L’indépendance n’est pas encore arrivée, mais il faut croire qu’on s’en approche, que notre identité est plus affirmée et qu’on a moins peur. Je pense que c’est ce qui permet de redécouvrir aujourd’hui un auteur comme Marcel Dubé."
Du 26 septembre au 28 octobre
Au Théâtre du Rideau Vert
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