On achève bien les chevaux : Le Manège
Scène

On achève bien les chevaux : Le Manège

On achève bien les chevaux nous fait entrer dans la misère humaine. Avec vigueur, avec ferveur, Marie-Josée Bastien et son équipe font de cette histoire un carrousel bouleversant.

Ils sont soixante-douze couples à tenter leur chance. À participer, en pleine crise économique, à une entreprise inhumaine: un marathon de danse, où gagnera, après des jours, des semaines, le dernier couple à rester debout. Bafoués, épuisés, les danseurs endureront tout: pour les repas plusieurs fois par jour, rareté en cette période de grande pauvreté, et dans l’espoir, bien mince, de décrocher la timbale qu’on leur fait miroiter: 1500 $, de quoi survivre et se remettre un peu.

Dans un décor (Christian Fontaine) simple, efficace, tournent les danseurs: une vaste piste de danse, que domine, à l’arrière, une tribune. S’y tient Ludger Drouin, maître du jeu, tirant les ficelles du marathon et autres entreprises douteuses. Sur trois côtés, les gradins où s’installent les spectateurs, figurant aussi le public avide de sensations venu voir le marathon, lorgnant la misère des autres pour oublier la sienne. Sur le tout, un éclairage clair, braqué sur les danseurs; tout est en place pour que le cirque commence.

L’adaptation du roman d’Horace McCoy par Marie-Josée Bastien, qui signe aussi la mise en scène, est tout à fait réussie. Campant l’action à Québec, elle a dessiné des personnages attachants, et donne à cette histoire un écho touchant pour le public d’ici. La pièce montre la descente des concurrents, par paliers, de l’enthousiasme à la fatigue, puis à l’épuisement; de l’espoir à la colère, puis à l’acceptation des pires humiliations. La mise en scène se concentre sur le jeu des comédiens, autant dans l’interprétation que dans la danse (Harold Rhéaume) et les mouvements de groupe. Totalement investis, ils sont tous remarquables: en nuances, sans jamais surcharger, ils nous ouvrent l’univers de personnages simples et se prêtent avec énergie à un jeu physique très exigeant.

Devant ce marathon, on passe par différentes émotions: stupeur, dégoût, révolte. Traités pire que bétail par un organisateur méprisant, les personnages émeuvent; on ne peut qu’être chaviré par leur espoir, si fou, si dérisoire soit-il. Malgré les vacheries et la férocité de la compétition, leur désir de vivre, plus fort que la souffrance, impressionne. Et quelles que soient les humiliations qu’ils acceptent, ils gardent toujours la dignité du courage, de la solidarité, même soumis à l’exploitation. De très nobles bêtes.

Jusqu’au 7 octobre
Au Théâtre Périscope
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