Roland Lepage et Lucien Ratio : Par delà la mort
Scène

Roland Lepage et Lucien Ratio : Par delà la mort

Roland Lepage et Lucien Ratio, de générations différentes, carburent tous deux à l’intensité de ce "sport extrême" qu’est le théâtre. Ils se font face, pour la première fois, dans Aux hommes de bonne volonté.

Premier rôle au Trident pour Lucien Ratio, finissant au CADQ en 2005, nouveau spectacle d’une carrière impressionnante pour Roland Lepage, qui célébrait l’an dernier ses 60 ans de métier. Leur rencontre se fait autour d’un testament: celui de Jeannot, jeune homme de 15 ans mort du sida, personnage central, bien qu’absent, de la pièce de Jean-François Caron.

Pour entendre les dernières volontés de Jeannot, que transmet son testament écrit au son, sa famille se réunit chez le notaire (Roland Lepage); s’y trouve aussi Serge (Lucien Ratio), son compagnon de toujours. Mère, soeur, frère, oncle: tous recevront le legs de Jeannot, que la mort n’empêche pas, une dernière fois, de provoquer les membres de sa famille, tout en leur offrant ses réflexions et l’occasion, peut-être, de se réconcilier. Étrangement, le texte de Jeannot semble prévoir les réactions de ses proches, leur répondre et finalement, dialoguer avec eux à travers le notaire, qu’emporte la parole du défunt.

Ce que Jeannot leur jette au visage, c’est le "manke damour" dont il a souffert, et qui l’a poussé à vivre en 4e vitesse. Avec lui, son ami, Serge. "Ils ont commencé leur aventure enfants, à s’inventer des histoires, à faire des expériences, qu’ils ont poussées de plus en plus loin en vieillissant", explique Roland Lepage. "Comme Jeannot, Serge est un petit bum, poursuit Lucien Ratio, mais c’est pas un dangereux, ni un délinquant. Ils sont pas méchants, mais ils avaient tous deux besoin de vivre des émotions fortes; ils veulent tout connaître, tout voir, tout de suite. Ils sont révoltés face au conformisme; ils remettent tout en question et essaient de vivre autrement. Pour eux, c’est une urgence de vivre."

Par leur âge et leur expérience, les deux comédiens se situent "aux deux pôles". Mais dans le travail, tous se retrouvent sur le même pied: tâtonnements, découvertes, bonheur d’apprendre, toujours. Même passion, aussi, pour leur métier. Pour Lucien Ratio, "Le théâtre permet de vivre plein d’émotions, des aventures. La vie a des limites que le théâtre n’a pas. Ce qui est intéressant, c’est de pouvoir les franchir et de devenir, par exemple, magicien pendant deux heures. Ce que j’aime bien de Serge, c’est son besoin, justement, de vivre en allant aux limites. Je le comprends un peu; et le théâtre me permet de faire ça."

"Dans le théâtre, il y a un désir de communier avec du monde, ajoute Roland Lepage: avec le public, et avec les camarades. On sait que les relations entre nous vont être assez brèves: il faut faire une énorme bulle d’amour, de compréhension, d’intimité. Le thème de la pièce, c’est le manque d’amour; mais là, il y en a de l’amour! Aussi, le théâtre, c’est du sport extrême, sans filet." "À chaque soir, faut qu’on soit tous ensemble, glisse son collègue. S’il y en a un qui est pas là, on meurt… C’est ça qui est fou et qui crée ces liens-là. Ensemble, on se met en danger devant 500 personnes, chaque soir. Et il y a l’urgence: ça se passe… maintenant."

Mise en scène de Gill Champagne, assisté d’Hélène Rheault; avec Jean-François Gaudet, Valérie Laroche, Nicola-Frank Vachon, Denise Verville; conception de Jean Hazel, Maude Audet, André Rioux.

Jusqu’au 14 octobre
Au Grand Théâtre
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