Très chère Mathilde : Un Américain à Paris
Dans Très chère Mathilde, la comédienne Béatrice Picard offre une performance remarquable.
Si Paris sera toujours Paris, la ville ne serait pas la même sans les Parisiennes, ces vieilles dames au regard espiègle qui se rappellent la bohème des années 30, ce temps où la vieille capitale abritait les artistes du monde entier et vibrait au rythme de l’entre-deux-guerres. La pièce Très chère Mathilde d’Israel Horovitz leur rend hommage à travers le personnage de Mathilde Giffard, une ancienne institutrice âgée de 94 ans (mais qui n’en avoue que 92), issue de la meilleure société parisienne, qui coule une retraite heureuse dans un appartement avec vue sur le Jardin du Luxembourg, passant ses journées à écouter des disques rayés de Django Reinhardt (un de ses anciens amants) sur son vieil électrophone.
Présentée par la même équipe dans sa version anglaise le printemps dernier au Leanor and Alvin Segal Theatre, la pièce de l’auteur américain, traduite en français par la journaliste et écrivaine française Michèle Fitoussi, tient actuellement l’affiche au Théâtre Jean-Duceppe. Sur scène, c’est Béatrice Picard qui endosse le rôle de la vieille dame, dans une mise en scène de Daniel Roussel. Avec sa démarche saccadée traduisant des efforts manifestes pour rester droite et digne jusqu’à la fin, son ton rapide et franc et ses mimiques maniérées de vieille dame, l’actrice offre une performance formidable.
L’histoire commence lorsque Mathias Gold, un écrivain raté (Bruce Dinsmore, qui forme un duo extrêmement solide avec Béatrice Picard), débarque à Paris sans un sou en poche pour prendre possession de l’appartement que lui a légué son père. À sa grande surprise, il constate que cet héritage comporte un petit "bonus": deux femmes, Mathilde Giffard et sa fille Chloé, une enseignante un peu rigide (Marthe Turgeon, peut-être trop appliquée à travailler son accent français de Paris pour être parfaitement naturelle), habitent actuellement l’appartement et ne peuvent en être délogées, le bien ayant été acheté en viager (une vieille procédure française consistant à vendre un appartement en dessous de sa valeur pour pouvoir continuer d’y résider jusqu’à sa mort). Forcé de cohabiter avec les deux femmes, Mathias Gold va peu à peu déterrer les secrets de famille et profiter de ce huis clos pour dissiper les mystères entourant son enfance malheureuse.
Bien plus qu’un drame familial, la pièce, extrêmement bien écrite, explore avec un humour très anglo-saxon le sujet de la confrontation culturelle, se moquant finement des clichés qui entachent souvent les relations franco-américaines. On peut seulement regretter que la mise en scène ne fasse pas le même effort et ne nous épargne aucun cliché sur le "Paris éternel" en faisant évoluer les personnages dans un décor de carte postale typique, sans doute exotique pour un touriste américain.
Jusqu’au 14 octobre
Au Théâtre Jean-Duceppe
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