Emmanuel Jouthe : Bâtisseur de mouvement
Scène

Emmanuel Jouthe : Bâtisseur de mouvement

Le chorégraphe montréalais Emmanuel Jouthe présente ces jours-ci le fruit de son laboratoire chorégraphique au Groupe Lab de danse. Court entretien.

C’est à la suite des commentaires positifs de confrères chorégraphes que le Montréalais Emmanuel Jouthe s’est décidé à venir cogner à la porte de Peter Boneham et de son Groupe Lab de danse. Pour celui qui fondait avec cinq collègues la compagnie Danse Carpe Diem en 1995 pour en devenir le directeur artistique quatre ans plus tard, c’était là une occasion de sortir de son moule de création quotidien, le temps d’explorer d’autres avenues. "Ça me ramène au premier de mes quotidiens, c’est-à-dire mon souci de la danse et mieux connaître, mieux exploiter et m’exprimer à travers cette forme d’art", résume-t-il de sa voix posée.

N’ayant pas de plan précis en tête et encore moins de concept anecdotique ou narratif, Jouthe s’est laissé aller à trois semaines de recherche artistique sans retenue: "Il ne faut pas arriver avec des idées préconçues. Le but n’est pas de faire une création, mais plutôt de créer des tableaux, des séquences et de voir comment au niveau de la communication de cet art visuel, les choses peuvent être plus claires, plus simples. C’est donc de pousser sa démarche, de développer et de remettre en question des outils… Bref, on ne met pas juste l’accent sur les idées, mais aussi sur comment les appliquer."

Lui qui s’inspire généralement des interprètes avec qui il travaille se voyait ici imposer cinq danseurs qui lui étaient inconnus. "Trois semaines, c’est très peu pour découvrir des gens, je sais pas si c’est parce que je suis lent à "catcher" les autres, mais il y a comme une distance à respecter, il y a un côté très étranger qui m’est imposé; ça me permet de focaliser sur des choses très cartésiennes, très terre à terre, c’est-à-dire comment communiquer."

Le prolifique directeur artistique Peter Boneham lui-même agit à titre de moniteur dans ce laboratoire, "bonifiant" ainsi le travail de Jouthe de son oeil avisé et expérimenté. "Il est sensible, rigoureux et confrontant, confirme-t-il. Ça donne des journées up and down."

Pour Jouthe, c’est aussi l’occasion de se rappeler à quel point le travail de recherche est riche en découvertes: "On demande souvent aux artistes de produire sans qu’on ne respecte nécessairement cette étape essentielle de recherche, de silence, de savoir, de ne pas savoir, de se tromper, de chercher. C’est un acte aussi important que de créer, chorégraphier, composer, écrire…"

Et est-ce que le créateur est encore trop épris de son labo pour savoir ce qu’il rapportera dans ses valises de cette expérience? "En arrivant en studio, je me suis rendu compte qu’avec le temps, sûrement par négligence, paresse ou nonchalance, j’ai capitalisé beaucoup par le regard intellectuel, contrairement au regard sensoriel, émotif… Et cette découverte, c’est assez pour moi. En saisissant cela, je traque une recommunication plus adéquate à ma discipline. Et c’est là où Peter est merveilleux. Après tant d’années, je pense que son sillon est clair, est creux, est profond et "groundé" dans cette optique-là", conclut-il. Avant de relâcher le combiné, Emmanuel Jouthe lance: "Le public va venir consommer de l’art, mais moi, je vais plutôt consommer certaines réponses par rapport à l’approche, à savoir comment je pourrais changer certaines habitudes de création."

Les 29 et 30 septembre à 19h
Au Théâtre de la Cour des arts
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