Ginette Laurin : O Vertigo confidentiel
Dans ANGELs, Ginette Laurin dévoile l’âme de ses danseurs à travers leurs fantasmes de scène. Confidences sur un acte audacieux, nourri d’amour et de confiance.
Est-il bon de réaliser ses fantasmes ou vaut-il mieux les garder à l’état de désir? La question se pose avec la même intensité sur scène que dans l’alcôve. Et si chacun y apporte la réponse qui lui convient le mieux, il reste que nos fantasmes en disent long sur nous-mêmes et qu’ils constituent une incroyable source de créativité. Les sept interprètes de la compagnie O Vertigo en savent quelque chose: inspirée de leurs rêves de scène, la pièce qu’ils présentent mardi au Théâtre Centennial expose leur intimité en 75 minutes et en sept tableaux, sans entracte.
L’expérience, plutôt originale parce qu’elle célèbre les danseurs et qu’elle leur donne un pouvoir inhabituel, s’est avérée aussi stimulante que déroutante pour tout le monde. "On a pu travailler les yeux dans les yeux en évitant le plus possible le rapport chorégraphe-maître suprême et interprète-petit outil, commente la danseuse Mélanie Demers. Ginette nous a laissé une liberté hallucinante; c’en était même presque effrayant." "La première difficulté a été de laisser émerger le désir, explique Ginette Laurin, parce que les interprètes sont habitués à ce qu’on leur demande de faire des choses. Ça a pris du temps avant que chacun d’eux se laisse aller. Car ce n’est pas évident de laisser les autres entrer dans ton intimité… Le processus a demandé beaucoup de générosité et de confiance de part et d’autre. De mon côté, j’ai eu parfois de la difficulté à accepter d’utiliser certaines visions comme matériel chorégraphique. Par exemple, je ne suis pas une personne romantique et certaines images me semblaient trop »belles ». Je les ai retravaillées pour qu’elles soient plus humaines."
SECRETS DE FABRICATION
Pour lever les inhibitions de ses danseurs et qu’ils ouvrent la porte de leur jardin secret, Ginette Laurin leur a fait franchir plusieurs étapes. D’abord, il y a eu cette liste de fantasmes que chacun a rédigée et dans laquelle elle a puisé ce qui l’inspirait le plus. Ensuite, ces séances en cabine d’enregistrement où elle les interviewés pour mieux comprendre leurs motivations. Aussi, elle a fait venir de Belgique l’artiste Ted Stoffer. Danseur, chorégraphe et enseignant, il a organisé deux semaines d’ateliers pour explorer avec les danseurs comment donner corps à leurs désirs intimes avant que Ginette Laurin n’engage un travail individuel avec eux. Dans le cas de Marie-Ève Nadeau, qui souhaitait amener la figure de son grand-père sur scène, il y a même eu une visite dans la famille et une rencontre filmée avec le monsieur de 88 ans. Tout un travail d’introspection qui a largement débordé de la sphère professionnelle. "Après qu’on eut entamé le processus de création, se souvient Marie-Ève Nadeau, j’ai eu un souper de famille très intense où plein de choses qui n’avaient jamais été dites sont sorties. Il y a eu beaucoup de cris et de pleurs dont je me suis servie ensuite pour créer avec Ginette. Tout n’est pas resté dans le spectacle mais nous avons fait un bout de chemin ensemble dans les zones les plus sombres de moi."
Chez O Vertigo, les anges ont un sexe et ils vivent quelque part entre le paradis et l’enfer. "Cette pièce va puiser du côté de nos fragilités et de nos vulnérabilités, poursuit Mélanie Demers, ça change des archétypes forts et sereins auxquels O Vertigo nous a habitués. Moi, par exemple, je suis tombée sur l’idée du matricide au cours d’une improvisation. Ça a provoqué toutes sortes de questions et j’ai découvert que tuer sa mère faisait partie des fantasmes numéro un." Forcément, quand on parle des choses de l’esprit, on se retrouve naturellement dans les grands thèmes universels. Les spectateurs ont donc bien des chances de se reconnaître dans l’un ou l’autre des univers présentés.
Le 3 octobre à 20 h
Au Théâtre Centennial
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