Histoire de Marie : Retrouver la voix
Scène

Histoire de Marie : Retrouver la voix

Le Théâtre de Fortune présente Histoire de Marie, un assemblage de courts textes de l’auteur Georges Brassaï.

Au théâtre comme au cinéma, la comédienne Sophie Clément a plus souvent qu’autrement interprété des personnages hauts en couleur, que l’on pense à Carmen dans le film Il était une fois dans l’Est, à cette inoubliable serveuse dans Françoise Durocher, waitress et, bien sûr, à Madeleine dans la légendaire pièce Les fées ont soif. "C’est vrai qu’en général, j’ai joué des personnages assez forts. Je n’ai pas interprété tellement de femmes douces… Mais c’est la vision des metteurs en scène. Et peut-être aussi que j’ai un tempérament comme cela!" s’exclame Sophie Clément, la voix grave et charismatique.

Cet automne, la comédienne reste fidèle à ses premières amours. On la retrouve dans Histoire de Marie, un spectacle solo où elle incarne une femme de ménage française qui évolue dans le Paris des années 40. "Elle raconte des moments de sa vie, elle donne son avis sur certaines choses. Elle a une opinion très arrêtée. Elle est touchante par moments, affreuse par d’autres. En même temps, c’est une victime, une combattante", dit Sophie Clément en parlant de son personnage. Puis elle enchaîne: "Elle est assez truculente dans sa façon de se raconter, de dire ce qu’elle pense des gens pour qui elle travaille, de ses voisins de palier, de la concierge du building."

DROIT DE PAROLE

Histoire de Marie, on le doit au peintre, photographe et auteur Georges Brassaï qui, vers la fin de la Deuxième Guerre, décida de recueillir sur le vif les réflexions et les réactions de Marie Mallarmé – sa femme de ménage – pour ensuite les rassembler en un recueil de courts textes. "Ce n’est pas une suite, mais il y a une logique", explique Sophie Clément, feuilletant le livre, prête à interpréter un passage au beau milieu du Café de l’Usine C.

Lors des premières lectures de l’oeuvre, qui remontent à Noël dernier, le fondateur du Théâtre de Fortune et metteur en scène Jean-Marie Papapietro, l’assistant metteur en scène Alain Roy et Sophie Clément ont d’abord tenté de découvrir l’essence du personnage de Marie Mallarmé. "Ce qui revenait tout le temps, c’est que Brassaï avait voulu donner une voix à quelqu’un qui n’en avait pas normalement. C’est une femme qui n’avait pas le droit de parole. Tout à coup, elle vivait, elle pouvait dire quelque chose", souligne Sophie Clément. Jean-Marie Papapietro a laissé une grande liberté d’action à la comédienne en ce qui concerne la construction et l’appropriation de son personnage. "On s’est entendu sur l’état dans lequel elle se trouvait pour chaque texte et on a beaucoup parlé de rythme. Les textes sont écrits avec des pauses. On doit être respectueux de l’écriture, parce que c’est ce qui donne le souffle au personnage", dit Sophie Clément.

SEULE EN SCÈNE

Malgré le fait qu’elle se retrouve seule sur scène pour la première fois en plus de 35 ans de métier, Sophie Clément semble étrangement sereine et impassible devant l’inconnu. "Je vis cela assez bien. Peut-être que le soir de la première, je vais avoir un trac d’enfer… C’est sûr que c’est un gros défi. Quand on joue avec un partenaire, l’interaction génère des sentiments. Là, c’est toi qui provoques tout", affirme la comédienne, avant de lancer spontanément: "J’espère que les gens vont aimer Marie, malgré tous ses défauts. C’est une femme qui se débat dans la vie…"

ooo

Peintre, photographe et auteur né en 1899 en Transylvanie, Georges Brassaï s’installe à Paris en 1924, où il côtoie plusieurs grands artistes de l’époque, tels que Picasso et Henry Miller. Ce dernier disait d’ailleurs de Brassaï qu’il était un véritable "oeil vivant", un "sociologue", un "poète". Vers la fin de la Deuxième Guerre mondiale, Brassaï se lance dans la rédaction d’un recueil de textes intitulé Paroles en l’air, qui regroupe les confidences de sa domestique, Marie Mallarmé, une femme âgée dans la cinquantaine. Dans la préface, l’artiste soutient qu’il a travaillé son écriture dans l’esprit de ses photographies, c’est-à-dire "l’oeil ayant cédé la place à l’oreille". Le texte, qui n’est pas nécessairement destiné à être joué au théâtre, est publié pour la première fois en 1949. Histoire de Marie a été présenté à Paris en 1998, au Théâtre des Bouffes du Nord.

Du 3 au 14 octobre
À l’Usine C
Voir calendrier Théâtre

À voir si vous aimez
Le film Gros-Câlin avec Simone Signoret, inspiré du roman de Romain Gary
Les livres de photographies de Georges Brassaï: Paris, la nuit, Le Paris secret des années 30, Conversations avec Picasso