Kevin McCoy : L'apport de l'autre
Scène

Kevin McCoy : L’apport de l’autre

Kevin McCoy nous offre Ailleurs, un spectacle solo s’inspirant de sa propre expérience, tout en posant un regard documentaire sur l’immigration. Entre cinéma et théâtre, réalité et fiction.

"C’est une idée qui mijotait dans ma tête depuis longtemps, commence Kevin McCoy. Je viens de Chicago et quand je suis arrivé à Québec, il y a 10 ans, j’ai commencé à étudier le français au Centre Stadaconna. Il y avait des gens d’au moins 40 pays, et on était seulement 120 personnes. C’était très riche comme expérience." De là, son désir de créer un spectacle donnant la parole à ces immigrants, tout en proposant un récit s’inspirant de son vécu. "Je me sers beaucoup de ma propre histoire, mais je me laisse aller dans la fiction aussi, observe-t-il. Parce que je trouve qu’au théâtre, c’est l’imagination qui est forte." Ainsi naissait Sean Devlin, documentariste d’origine américaine, en plein processus de demande de résidence permanente, avec toute la bureaucratie et les complications comme la part de critique que cela suppose. "Il y a plusieurs barrières pour ceux qui veulent immigrer quelque part: le processus administratif, apprendre une nouvelle langue, comment les gens vivent dans un autre endroit, trouver un appartement… Tout est ébranlé, constate-t-il. Pour l’immigrant et aussi pour la société d’accueil. Quand on rencontre des gens qui sont différents, on peut se sentir un peu déstabilisé. Ça va dans les deux sens parce que ça nous fait nous questionner sur nos façons de faire et nos croyances."

Le métier de son personnage, qui s’intéresse justement aux immigrants, lui permet par ailleurs d’intégrer à la pièce des segments d’entrevues bien réelles. "Je suis retourné à mon ancienne école et j’ai fait des recherches auprès des organismes pour les immigrants afin de trouver des gens qui étaient prêts à me parler de leur expérience, raconte-t-il. Enfin, j’ai rencontré 35 personnes de 24 pays, avec lesquelles j’ai fait des entrevues de fond d’à peu près une heure, une heure trente. On les a filmées avec la technologie de l’écran vert, ce qui nous permet de changer le fond et amène une certaine poésie visuelle dans le spectacle."

Dès lors, le défi était d’opérer un mariage harmonieux entre documentaire et théâtre, réalité et fiction. "Mais aussi, passé et présent, précise l’auteur, metteur en scène et comédien. Parce que, pour moi, quand on filme quelque chose, c’est déjà dans le passé, alors que le théâtre, c’est le moment présent." À ce chapitre, il remarque que même son interprétation témoigne d’un certain métissage des genres: "Il y a beaucoup d’histoires sérieuses dans la partie documentaire, et je voulais alléger ça. Je ne fais pas du stand-up, mais je désirais amener une autre façon de voir les choses. Un Américain qui apprend le français à Québec, beaucoup de gens se disent que c’est un peu bizarre. Donc, il n’est pas dans la même situation que les autres, et je marque cette différence avec son accent de même que dans ma façon de jouer. Il y a des scènes plus cinématographiques et d’autres de pur théâtre." D’ailleurs, il applique également certains principes du septième art dans sa mise en scène. "Au cinéma, on a juste besoin d’une porte qu’on pousse et, tout à coup, on est à l’aéroport, illustre-t-il. On travaille beaucoup avec ça. On utilise ce côté pour nous permettre d’aller dans toutes sortes d’endroits: un taxi, un bureau d’avocats, un bureau d’immigration, Téléfilm Canada… On change de lieu avec des images ou avec des jeux de cinéma qu’on amène au théâtre." Pour nous transporter Ailleurs, serait-on tenter d’ajouter.

Jusqu’au 7 octobre
À la Caserne Dalhousie
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