kondition pluriel : La cellule et le senseur
Scène

kondition pluriel : La cellule et le senseur

kondition pluriel invente la grammaire d’un langage artistique permettant un dialogue entre le vivant et la technologie. Une démarche fascinante et profondément humaine.

Un espace sans gradins où sont disposés des écrans amovibles. Un homme et une femme reliés à des senseurs qui déclenchent sons et images selon les mouvements qu’ils effectuent. Des caméras qui les filment en direct et des projections qui leur renvoient leur image comme un écho avec lequel ils peuvent jouer. Aussi, une masse de spectateurs qui déambulent à leur gré au coeur de cette installation mouvante que les danseurs-performeurs Catherine Tardif et Martin Bélanger reconfigurent en déplaçant les écrans. Tel est, grosso modo, le cadre de l’expérience que nous propose de vivre le couple de créateurs à l’origine de recombinant – le corps techn(o)rganique. Loin de nous donner à voir un spectacle, la chorégraphe Marie-Claude Poulin et l’artiste visuel Martin Kusch nous plongent dans un univers d’interactivité que chacun décode en fonction de son point de vue et de ses perceptions.

"On voit le corps comme un système de communication en interaction et en perpétuel réajustement avec son environnement, explique Marie-Claude Poulin. Et plutôt que d’établir des scénarios, on crée des situations expérimentales où on peut observer la nature, les corps, les êtres… Dans ce contexte, le danseur est un des éléments d’un système plus large. La notion d’auteur devient diffuse aussi parce que les performeurs et le public prennent part d’une certaine façon à la création." "Plusieurs processus sont interreliés et on ne comprend pas toujours ce qui se passe, ajoute Martin Kusch. On cherche à créer une poésie et une globalité et on compose beaucoup avec les coïncidences."

Par exemple, l’artiste visuel d’origine allemande a développé un logiciel qui fait qu’un type de mouvements déclenche les caméras, un autre, les projections et un autre encore, la superposition d’images. Impossible de prévoir exactement ce qui va se produire, même si le système a été mis en place méthodiquement et qu’il fonctionne précisément à l’issue d’un cheminement laborieux. "Mes set up demandent une longue mise en place technologique et ne se modifient pas rapidement, alors qu’on peut changer immédiatement ce qui ne fonctionne pas en danse, commente Martin Kusch. Notre premier obstacle a été d’harmoniser ça pour que les deux médiums progressent simultanément dans la création. On ne veut pas que l’un surpasse l’autre." "Pour mener une telle recherche, il faut vraiment avoir une vocation, un intérêt extrême pour l’autre médium et une capacité à laisser son ego de côté, poursuit Marie-Claude Poulin. On est passé par des phases assez angoissées à ne pas savoir si ça allait mener à quelque chose et si ça valait la peine de continuer, mais là, on a trouvé le langage. Et ce qui me surprend le plus, c’est le transfert de savoir qui s’est effectué: plus ça va, plus Martin chorégraphie et plus je réfléchis, moi, au processus médiatique."

Depuis qu’ils ont fondé kondition pluriel, en 1999, les deux artistes ont présenté une demi-douzaine de créations ici et en Europe. Créée en 2004, recombinant – le corps techn(o)rganique a déjà été testée dans divers contextes. "On l’a présenté en Allemagne devant un public familier avec les nouveaux médias dont on pensait qu’il allait immédiatement saisir notre proposition et bouger librement dans l’espace, se souvient Martin Kusch. Bizarrement, il s’est très vite disposé en cercle autour de l’installation. Dans d’autres pays, c’était plus ludique." "La quantité de spectateurs joue beaucoup, précise Marie-Claude Poulin. À Québec, pendant le Mois Multi, on s’est retrouvé avec plus de public que ce qu’on aurait voulu et ça a été meilleur parce que les gens ont vraiment investi tout l’espace et qu’il y a eu des mouvements de foule coordonnés avec les déplacements des danseurs et des écrans. C’était devenu un autre spectacle, parce qu’on avait toujours travaillé avec un maximum de 90 personnes. C’était magique."

Du 4 au 7 octobre à 20h
À l’Agora de la danse
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