Les Muses orphelines : Scènes de famille
Les Muses orphelines, sous la plume acérée de Michel Marc Bouchard, nous convie à une réunion familiale peu banale. Tout le monde en sort écorché, ou peu s’en faut.
Saint-Ludger-de-Milot, la fin de semaine de Pâques. Dans ce "cul du cul-de-sac", comme ils se plaisent à nommer leur village, ont grandi les enfants Tanguay, tôt orphelins de père et abandonnés par leur mère. Catherine, l’aînée, et Isabelle, la plus jeune, y vivent toujours. À l’invitation d’Isabelle, 27 ans, qui leur promet une surprise, Luc et Martine viennent rejoindre leurs deux soeurs. Dans la maison familiale, en cette fin de semaine de mort et de résurrection, se diront les vérités tranchantes, se rejoueront les histoires douloureuses.
Au centre du drame de la famille Tanguay, la liaison d’une femme passionnée, leur mère, avec un bel étranger, au coeur d’un petit village: source des commérages, du scandale, origine de tous les maux. Pour préparer et rejouer cette scène, détours, esquives, plongeon dans le mensonge puis dans la vérité, jusqu’à la reconstitution symbolique, source, peut-être, de renaissance.
Servant d’écrin à cette histoire, un décor de matière brute, à l’image de ce lieu sauvage et reculé: escaliers et paliers de bois, entourant un sol de sable. Terre désséchée, où la vie s’étiole? Image des coeurs fermés, pour se protéger? Arène de corrida, symbole mythique de la culture de cet Espagnol dont la mère s’est éprise? Derrière, une passerelle sur fond de ciel, tout en haut de ce qui figure, avec plus ou moins d’évidence, un barrage, contribue à créer de très belles images.
Les comédiens incarnent avec grande sensibilité ces personnages écorchés, touchants. Avec Sophie Dion, France LaRochelle et Patrick Ouellet, la comédienne Laurie-Ève Gagnon, nouvelle venue, finissante du CADQ en mai dernier, se révèle pleine de talent dans un rôle plus complexe qu’il n’y paraît, celui d’Isabelle. Elle en fait une figure attachante et, bien que profondément troublée, lumineuse. La mise en scène de Jean-Philippe Joubert, si elle se révèle moins heureuse lors de scènes présentant des échanges de groupes, parfois un peu statiques ou répétitives, brille par une direction d’acteurs fine et attentive, et orchestre efficacement les mouvements chorégraphiés.
Malgré quelques passages moins réussis, Les Muses orphelines apparaît comme un spectacle touchant, oeuvre d’un grand auteur, comportant des moments de grande beauté visuelle, dont la finale, aux accents de cérémonie.
Jusqu’au 14 octobre
Au Théâtre de la Bordée
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