Sankai Juku : Les lois physiques
Les Japonais de Sankai Juku ouvrent la saison de Danse Danse avec une de ces pièces méditatives et hypnotiques dont ils ont le secret. Un retour très attendu sur la scène montréalaise après 16 ans d’absence.
Il fut un temps où il se jetait avec ses danseurs des toits de buildings américains dans des performances où s’exprimait une forme de cette violence qui a nourri l’émergence du butô, mouvement chorégraphique japonais né dans les années 60 des cendres des bombardements atomiques sur l’île d’Hokkaido. Représentant de la deuxième génération de créateurs de ce que l’on nomme aussi "la danse des ténèbres", le chorégraphe Ushio Amagatsu en a conservé certains fondements tout en développant une esthétique et un langage qui lui sont propres. Tandis que le butô originel commémorait les tragédies d’Hiroshima et de Nagasaki en présentant des corps souffrants, recroquevillés, aux yeux révulsés et aux membres inférieurs en totale fermeture, la danse de Sankai Juku se déploie, cherchant à élucider le mystère de notre présence sur Terre à travers le mouvement et dans le jeu avec la gravité.
Créée en 2000, la pièce qui nous est présentée n’est pas la plus récente création d’Ushio Amagatsu. Intitulée Kagemi, Par-delà les métaphores du miroir, elle compte plusieurs dénominateurs communs avec les autres oeuvres de cet artiste aujourd’hui âgé de 57 ans: elle se compose de sept tableaux, dure 1h25 sans entracte, on y utilise l’eau, le sable, la cendre et le sang, et elle est une célébration des arcanes du vivant et de l’ordre cosmique. "Je considère les êtres humains et la nature humaine comme les thèmes fondamentaux de mes oeuvres, déclare le chorégraphe dans une entrevue réalisée pour sa tournée américaine. Je crois que ce qui me pousse à créer de nouvelles pièces, ce sont ces équations irrésolues dans mon esprit, comme le mystère d’une existence individuelle qui possède un corps physique, mais qui influe sur tout ce qui l’entoure tout en en subissant l’influence; ou encore le fait que mon propre corps existe ici et maintenant, mais qu’il porte la mémoire d’un temps bien plus long, d’avant mon existence."
La naissance, la mort, la métamorphose et le dialogue entre les contraires sont au coeur des oeuvres de ce talentueux créateur dont le succès résonne un peu partout sur la planète. Déjà plus de 700 villes et 40 pays visités par cette compagnie, qui s’affiche comme une des plus sollicitées en provenance du pays du Soleil levant. C’est dire l’universalité du propos et du langage employé pour l’exprimer. Aussi étranges que soient ces créatures au crâne rasé et au corps crayeux (depuis les débuts de la compagnie, en 1975, ce sont toujours des hommes, parmi lesquels le chorégraphe), elles touchent le public et l’entraînent dans le partage d’une expérience de l’ordre de la communion.
Fasciné par la beauté de la scénographie, subjugué par la présence des sept danseurs et par l’intensité de la vie qui pulse dans l’extrême lenteur du geste, transporté par les musiques aériennes ou organiques qui renforcent le sentiment de faire partie intégrante du spectacle, le spectateur se sent soudain ému au plus profond de lui et relié à quelque chose de plus grand. Une expérience quasi spirituelle pour public averti, curieux et amateur de zen.
Du 12 au 14 octobre
Au Théâtre Maisonneuve de la Place des Arts
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