Fanny Britt : Rude hiver
Fanny Britt signe Couche avec moi (c’est l’hiver), une pièce où elle aborde mille sujets qui lui tiennent à coeur.
Née à Amos, en Abitibi, Fanny Britt a grandi à Montréal. En 2001, elle termine une formation en écriture dramatique à l’École nationale de théâtre. L’année suivante, Claude Poissant signe la mise en scène de sa première pièce, Honey Pie, un spectacle repris à l’Espace Libre en 2003. Puis, la jeune anglophile née d’un père aux origines irlandaises traduit, avec un rare talent, les oeuvres de McDonagh, Berkoff, Twain, Brecht, McIvor et Mighton. Au cours des dernières années, plusieurs de ses textes ont fait l’objet de lectures ou de productions relativement discrètes. Ces jours-ci, l’auteure sort définitivement de l’ombre pour nous offrir la plus récente et sans nul doute la plus compromettante de ses pièces: Couche avec moi (c’est l’hiver). Geoffrey Gaquère, un talentueux comédien de plus en plus metteur en scène, dirige ce spectacle coproduit par le Théâtre PàP et le Théâtre de la Bordée.
Particulièrement touffue, la pièce a permis à son auteure de faire le point sur des questions qui la taraudaient depuis quelques années: "Je dirais que c’est parti d’un mélange de fascination et d’angoisse, une anxiété très personnelle par rapport à la pornographie. En commençant à écrire cette pièce, il y a plus ou moins deux ans, je me suis beaucoup interrogée sur le désir et surtout sur sa durée. J’étais dans la fin de la vingtaine, je commençais à être dans cette zone très inconfortable où l’on n’est plus un adolescent et pas encore un adulte. J’ai commencé à me demander si je croyais à la durée." La dramaturge s’engage alors dans une remise en question des rôles sexuels: "Alors que les filles apprennent à ne pas être décevantes, les garçons apprennent à ne pas être déçus. Les hommes grandissent avec le sentiment qu’on leur doit quelque chose, qu’ils le méritent." Élevée par une mère féministe, monoparentale et artiste, Fanny Britt ne croyait surtout pas retomber dans ce type de rapport: "On vit dans une société hypersexuelle. Le sexe fait partie de notre mode de vie au même titre que les vêtements ou la technologie. Il faudrait ne pas obéir, rester en marge, mais je n’y arrive pas, j’ai trop besoin de validation pour m’affranchir de tout ça. C’est là que la pièce trouve son origine."
UN COEUR EN HIVER
Dans les rues de Montréal, le froid mord. À l’intérieur, les passions s’échauffent dans le quotidien de cinq jeunes citadins de 30 ans. Hébert (Martin Laroche), un humoriste à succès, entraîne Suzanne (Éva Daigle) et Pierre (Stéphan Allard) dans la réalisation d’un documentaire "artistique" sur le couple québécois actuel. Ceux-ci, devant l’oeil indiscret d’une caméra, se laissent aller à leurs fantasmes les plus intimes. Leur relation est encore plus ébranlée lorsque Pierre rencontre, chez sa soeur Millie (Ansie Saint-Martin), Gillian (Julie McClemens), une Britannique de passage au pays. Comédie virulente, Couche avec moi (c’est l’hiver) dresse un portrait lucide de la vie urbaine des jeunes adultes. Au passage, on y écorche l’impérialisme de l’humour, le vedettariat à tout crin, l’exhibitionnisme et la "mercantilisation" de l’art. Derrière tous ces symptômes, une seule cause: le profond désarroi affectif et identitaire des trentenaires: "Selon ses névroses personnelles, le spectateur devrait considérer que certains personnages sont plus mal pris ou vulnérables que d’autres. Pour moi, ça varie. Parfois, je trouve que Gillian est à plaindre. Il m’arrive aussi d’être fâchée contre Pierre, et d’autres fois, je m’identifie à lui. Après tout, ce sont mes personnages." Parions que dans les multiples facettes de Fanny Britt, plusieurs spectateurs vont se reconnaître.
Du 17 octobre au 11 novembre
Au Théâtre Espace GO
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