Histoire de Marie : Arrêt sur image
Avec Histoire de Marie, le public est témoin des confidences d’une femme que la vie n’a pas épargnée.
Dans le Paris des années 40, le photographe d’origine hongroise Georges Brassaï recueille les propos colorés et spontanés de sa domestique, Marie Mallarmé. Plutôt que de nous parler d’elle par le biais de portraits photographiques, il a choisi de lui donner la parole. On peut dire qu’en 55 ans d’existence silencieuse, cette femme au destin rude et dramatique en avait accumulé, des histoires et des frustrations, des réflexions refoulées et des mots inventés qui lui servaient de vocabulaire quotidien. Marie Mallarmé s’exprime ici avec une pudeur bien dosée, parlant de "pognon", des enfants, des hommes, des animaux qu’elle adore, de l’adultère, des hôpitaux ou des "boniches polonaises". Tout y passe. Cette vie qui défile sous nos yeux nous arrache rires francs et sourires tristes.
CRESCENDO
C’est Sophie Clément qui, seule sur scène pendant une heure dix, incarne cette femme de ménage aigrie par la colère. La comédienne offre au public une performance en crescendo.
Pendant les premières minutes du spectacle, ses paroles empruntent un seul et même ton. Est-ce le but de l’exercice ou est-ce la comédienne qui tarde à trouver ses repères, difficile à dire. N’empêche qu’on se met à espérer que les traits de caractère de Marie Mallarmé, autres que ceux qu’on décèle via ses mots, se manifestent. Puis, un premier rire saccadé et étouffé – propre au personnage – vient humaniser ce discours truffé d’opinions et de jugements parfois déconcertants. Avec sa prestance habituelle et la voix qu’on lui connaît, Sophie Clément donne vie à cette femme qui aime les arbres en fleurs et qui se fout de la gueule de ses riches clients avec humour et lucidité. On ne peut rester insensible au plaisir quasi pathétique que Marie Mallarmé prend à reconstituer le procès au cours duquel elle s’est battue contre la concierge de son immeuble pour ne pas être jetée à la rue. La dernière phrase de la soirée nous broie le coeur.
MÉTAMORPHOSE EN DIRECT
Fondateur du Théâtre de Fortune, Jean-Marie Papapietro signe une mise en scène ingénieuse, à la fois simple et savoureuse. Tout au long du spectacle, entre deux monologues, Sophie Clément prend peu à peu l’apparence de son personnage. Pour assurer sa transformation, la comédienne, assise devant sa table de maquillage et vêtue d’un peignoir, manipule fards et pinceaux, enfile une perruque et une modeste robe. Le timide jet de lumière de Mathieu Marcil éclaire la scène. Et tous ces éléments se fondent en un pour permettre à une femme de retrouver la voix.
Jusqu’au 14 octobre
À l’Usine C
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