Iphigénie en trichromie : Les trois couleurs d’Iphigénie
Avec Iphigénie en trichromie, l’auteur franco-ontarien Michel Ouellette revisite le mythe grec de la princesse que l’on voulait sacrifier au nom du vent. Rencontre avec la metteure en scène Geneviève Pineault.
C’est lors d’une lecture publique organisée par l’auteur lui-même, Michel Ouellette, que la directrice artistique du Théâtre du Nouvel-Ontario (TNO) de Sudbury, Geneviève Pineault, a été "accrochée" par la pièce Iphigénie en trichromie. "J’ai beaucoup aimé la construction et la façon dont Michel s’est réapproprié ce mythe en y apportant plein de belles petites nuances", explique d’emblée la metteure en scène, qui a pu compter pour cette production sur la riche collaboration du Théâtre la Catapulte, en plus du soutien du Théâtre français du CNA.
L’histoire est celle d’un sacrifice. Celui de la princesse Iphigénie, qui doit mourir pour que les dieux envoient le vent nécessaire pour pousser la flotte achéenne vers la guerre de Troie, afin de sauver Hélène. Ici, la reine domine son roi, et des forces obscures et latentes travaillent à renverser l’ordre établi. "On y voit une société qui change drastiquement; on passe du matriarcal aux débuts du patriarcal. Dans n’importe quelle société, le changement peut être bénéfique, mais est-ce qu’il doit être occasionné par la violence? Pas toujours. Dans cette société où la femme est vénérée, c’est un vrai sacrilège qu’une femme soit sacrifiée, qu’on ait même osé proposer ce scénario. Mais à la minute où Agamemnon réussit à tirer profit de sa position, tout change. Il devient aussitôt le centre de cet univers. Le tout amené par des complots et une surpassion du pouvoir."
Déjà très familière avec l’univers de Michel Ouellette – elle qui avait travaillé avec lui à un laboratoire sur le Testament du couturier -, Geneviève Pineault voyait en le 35e anniversaire du TNO une belle occasion pour ce théâtre de renouer avec Ouellette, dont la dernière pièce montée à cette enseigne remonte à 10 ans. "On dit du théâtre de Michel qu’il est identitaire, mimétique, et on a apprécié Le Testament… parce que tout d’un coup ça se passait ailleurs. Les thèmes de Michel sont universels et même si ça ne se déroule pas dans une ville ontarienne, les gens peuvent s’identifier à ça. Iphigénie…, plutôt que d’aller dans le futur, retourne dans le passé, mais les thèmes abordés, tel l’identité, restent intemporels. (…) Tout le monde qualifie la dramaturgie de Michel de complexe, sérieuse, mais Michel a un humour qu’il faut trouver, déceler. À la base, ses histoires sont simples, c’est juste qu’il aime jouer sur le contenant."
Ici, ce ne sont pas les répliques qui ont été biffées du dialogue, mais bien la chronologie qui a été bouleversée. L’auteur pose ainsi trois regards différents sur une même situation, le tout symbolisé par des tableaux de différentes couleurs primaires: le rouge, le bleu et le jaune.
Parmi les sept comédiens franco-ontariens qui campent cette civilisation mycénienne, Annick Léger reprend les mots de Michel Ouellette – après Le Testament… en 2003 – jouant ici la reine Clytemnestre. "Annick est allée chercher plusieurs nuances à son personnage: elle n’est pas seulement une reine, c’est une mère, c’est l’épouse du roi. On a voulu aller explorer ce parcours-là parce que c’est un peu autour d’elle qu’on vit les retours en arrière. La reine navigue entre les tableaux, de sorte que c’est un vrai manège au niveau des sentiments. C’est un beau tour de force de la part d’Annick", assure Geneviève Pineault, dont l’équipe de comédiens est complétée par Éric Charbonneau, Céleste Dubé, Vincent Leclerc, Richard Léger, Anie Richer et Manon St-Jules.
Jusqu’au 21 octobre à 20h
À La Nouvelle Scène
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