Olivier Normand : À l’ouest d’Éden
Olivier Normand est un des auteurs et comédiens de Lucy, un chassé-croisé multidisciplinaire cherchant à faire le pont entre nos origines et aujourd’hui. Traits d’humanité.
Après deux laboratoires publics, voilà que Lucy, dernière création des Nuages en pantalon (Satie, agacerie en tête de bois) sera enfin présentée au public dans sa version officielle. Une forme plus achevée selon Olivier Normand: "Je trouve que l’histoire coule davantage. Les éléments étaient là, mais on a mis les pièces ensemble, et tout est plus lié. Une des premières idées, c’était de créer un diptyque entre l’extrême passé et le présent, de se demander ce qui fait le pont entre les deux. Pour moi, ça parle de quelque chose qui n’est pas nommable, qui vient nous toucher; on ne sait pas ce que c’est, mais c’est ce qui fait qu’on est humain. Aussi, ce qu’on a essayé de faire passer, c’est le vertige par rapport à ces 3 millions d’années. En fait, le spectacle est un peu comme la découverte de Lucy: les histoires ressurgissent du sable par fragments." N’empêche, c’est un hasard si la pièce se passe dans le désert. En effet, sans le voyage qui les a menés jusqu’à Phoenix, en Arizona, où ils ont rencontré Don Johanson, l’anthropologue ayant découvert les ossements de la doyenne de l’humanité, les Nuages en pantalon n’auraient peut-être pas eu cette idée. "Tout le long de la route, on a croisé plein de monde bizarre, évoque Olivier Normand. On s’est arrêtés dans la ville où se déroule le spectacle. Quand il vente, il y a du sable partout. La mine a fermé, le casino a fermé, tout disparaît… Et on s’est demandés ce que ces gens faisaient dans cet endroit en train de s’ensabler."
Un périple au cours duquel ils ont donc découvert le squelette de la pièce, qu’ils allaient ensuite créer au gré d’improvisations entre comédiens, musiciens, danseuse et concepteurs. S’ensuivrait un chassé-croisé d’intrigues se révélant par bribes et entrelaçant les époques. "Mon personnage est un anthropologue québécois qui part avec sa blonde pour donner une conférence à Phoenix. Sur le chemin, elle lui apprend une nouvelle et s’en va avec l’auto en le laissant seul. Alors, il se fait recueillir par un cow-boy qui, en 1974, a rencontré une Québécoise, avec laquelle il a eu une fille qu’il n’a jamais vue et qui, elle, revient pour retrouver son père", résume le comédien. Dans ce contexte, il n’est pas étonnant que la moitié du spectacle soit en anglais. "On s’est posé beaucoup de questions là-dessus, admet-il. Mais à un moment donné, on a improvisé en français, et les personnages n’étaient pas les mêmes. De toute façon, c’est ce dont on parle, d’un Québécois qui perd ses repères parce que tout le monde parle anglais, de ce qui passe par-delà la langue." Retour, donc, à cet élément indicible auquel il référait plus tôt et que la troupe cherche également à exprimer par une mise en scène harmonisant les contrastes. "Les personnages sont assez réalistes, sauf Lucy, qui est plus impressionniste, comme une présence, observe-t-il. Il y a à la fois de la danse, car le mouvement est une des premières formes d’expression, et de la vidéo, donc quelque chose de très moderne, tandis que les musiciens qui jouent live sur scène alternent entre tambours et musique électronique. Dans le décor, on retrouve du sable, mais aussi un écran en plexiglass brossé très moderne. Et ce qui est intéressant, c’est que lorsqu’on est derrière, ça donne un aspect lointain." Tel un souvenir inscrit dans nos gènes…
Du 17 octobre au 4 novembre
Au Théâtre Périscope
Voir calendrier Théâtre