Cathy Gauthier : Révérende irrévérencieuse
Scène

Cathy Gauthier : Révérende irrévérencieuse

Parmi toutes les avenues qui s’offraient à elle, Cathy Gauthier n’a pas choisi le chemin le plus facile. À cette époque où l’humour a la vie dure, une femme de l’Abitibi se lance dans le milieu sans accepter de compromis. Pour spectateurs avertis.

Depuis sa sortie de l’École nationale de l’humour en 1999, Cathy Gauthier a donné un nouveau visage à l’humour. Dès le premier contact, celle qui condense en une seule présence à la fois la belle et la bête y va de quelques avertissements: "Ça prend des gens ouverts d’esprit. J’aborde des sujets dans ce spectacle-là qui sont peut-être encore une chasse gardée pour les hommes. C’est sûr que mon spectacle est vraiment près de moi, dans le sens où c’est pour les gens de ma génération. C’est sûr qu’il y a des gens de 50 ou 60 ans qui viennent voir le show et qui tripent au bout, mais je dirais que ce n’est pas un spectacle pour les enfants ni pour les gens du troisième âge… Pour l’unique et simple raison que les référents ne seront pas assez clairs pour eux. Ils ne réussiront pas à me suivre."

Questionnée sur la pertinence d’imposer un âge minimal de 18 ans pour assister à son spectacle, comme l’avait fait Patrick Huard pour son premier spectacle solo, la jeune humoriste refuse d’être aussi catégorique: "Dix-huit ans, c’est peut-être un peu fort, rétorque-t-elle. Moi, je parle d’environ 16 ans. À cet âge-là, t’es en secondaire 4 ou 5, alors il n’y a rien que je dis dans mon show que t’as pas déjà entendu. Mais j’ai déjà joué devant des enfants de huit ans. Ça m’a rendue vraiment mal à l’aise. Laissons les enfants être des enfants. À 12 ans, je jouais encore à la Barbie, ça fait que si tu me parlais de trip à trois, je ne comprenais pas trop. À cet âge-là, ma vie sexuelle, c’était Barbie qui frenchait avec Ken."

Mais à quel point faut-il s’inquiéter des propos qu’elle tient sur scène? Peut-être a-t-on été trop frileux? Celle qui – entre nous – a plutôt l’image d’un ange collectionne pourtant des qualificatifs qui en feraient rougir plus d’un; on la dit crue, mordante, irrévérencieuse, audacieuse, choquante, osée, dérangeante… Un contraste qui fait déjà sourire en lui-même. "C’est sûr que l’anti-casting est intéressant. J’arrive sur scène, toute petite – je mesure cinq pieds -, blonde, j’ai l’air tellement inoffensive… Sauf qu’il s’agit que j’ouvre la bouche pour que les gens comprennent qu’il se passe quelque chose. L’effet de surprise, en humour, c’est vraiment très important. En partant, j’ai la chance d’avoir un physique qui ne cadre pas du tout avec ce que je dis."

LE MOT JUSTE

"On a dit que je suis crue, mais ce n’est pas tant par ce que je dis, explique la nymphette de l’humour. Je peux lire ma liste d’épicerie et ça va sonner cru. C’est le niveau de langage que j’ai choisi, c’est ma façon de parler, ma voix… J’appelle un chat un chat, moi, je ne suis vraiment pas du genre à tourner autour du pot pour dire ce que j’ai à dire. Je te le mets dans les dents, le punch."

Car même si elle s’exprime avec audace, chaque mot est pesé. Le spectacle qu’elle a écrit, dont François Avard a fait la sélection des textes – une collaboration qui n’est pas sans apporter une certaine compréhension du phénomène -, propose différents sujets sans lien factuel, outre celui offert par le prétexte de l’humour. "Ce ne sont pas vraiment des numéros, plutôt des gags cousins que j’ai mis un à la suite de l’autre. Mes gags sont tous des one-liners, même si ça forme un tout cohérent." Surtout, elle n’accepte de faire aucun compromis: la jeune humoriste se livre corps et âme dans un rapport osé à une langue vivante, s’attaquant sans vergogne aux tabous les plus dérangeants. "J’essaie d’être la plus vraie possible. En étant authentique, les gens s’associent à moi. Les gens voient peut-être en moi comme une petite soeur… Une petite soeur dérangeante."

C’est probablement cette image qui a charmé Dominique Michel – qui vient de sortir une autobiographie intitulée Y’a des moments si merveilleux, pour ceux que ça intéresse -, qui n’a pas hésité à vanter sa jeune protégée dès qu’elle en a eu l’occasion. "Elle m’a vraiment beaucoup aidée, raconte Cathy Gauthier. Elle m’a coachée, a été mon véhicule publicitaire. Elle m’a encouragée à aller un peu plus loin pour certains numéros. Ce qu’elle a fait, c’est plutôt la mise en scène – même s’il n’y a pas vraiment de mise en scène, de décor… C’est vraiment moi qui suis toute nue sur la scène (rires). Eh non, je garde mon linge. Je voulais plutôt dire que je me mets à nu sur scène."

ET LA VACHE DANS TOUT ÇA…

Dans une région comme la nôtre, qui garde encore à vif les écorchures subies lors de la crise de la vache folle – on se souviendra de la manifestation de Saint-Bruno qui avait défrayé la manchette nationale -, il est sans doute important de spécifier que Cathy Gauthier ne verse pas dans l’humour politique. Il n’y a aucun rapprochement à faire entre l’intitulé de son spectacle (100 % vache folle) et les ravages de l’encéphalite spongiforme bovine: "Ça n’a rien à voir avec ces histoires-là. J’ai choisi le titre parce que c’était dans l’actualité. J’ai tout de suite vu le poster… Je me suis vue dans un champ de vaches, de façon à ce qu’on puisse facilement identifier qui était la vache folle dans la gang… Je trouve que ça donne un peu le ton de mon spectacle aussi. Ça ne me tentait pas d’avoir un spectacle juste éponyme avec ma face sur le poster, quelque chose qui passe dans le beurre et qu’on a vu cinquante mille fois. Je voulais quelque chose qui fesse, accrocheur à l’oreille, mais aussi visuellement." Et ceux qui verraient là une quelconque dégradation de l’image de la femme – c’est arrivé – s’attirent la répartie de l’humoriste: "Il y a du monde qui aime ça chialer! Dans mon spectacle, il y a beaucoup d’autodérision. Je ris de moi, de personne d’autre. C’est certain qu’il n’y a rien qui ressemble plus à un être humain qu’un autre être humain… Mais c’est moi que je traite de vache folle. Pas les autres femmes." Folle? Plutôt lucide, pourtant. Très lucide. "Avec le genre d’humour que je fais, je sais très bien que je ne peux pas plaire à tout le monde. Et tant mieux. Parce que le jour où je vais plaire à tout le monde, je vais me poser des questions!"

Alors pour ceux qui ne s’offusquent pas trop facilement, qui sont prêts à vivre le crescendo des humeurs de Cathy Gauthier, elle s’en vient nous faire rougir – de gêne peut-être, mais surtout de plaisir. Du moins, c’est ce qu’elle espère.

Le 27 octobre
À l’auditorium d’Alma

Le 28 octobre
À l’auditorium Dufour

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