Renaud Lacelle-Bourdon : Les bleus au coeur
Renaud Lacelle-Bourdon endosse le rôle de Davey dans Vincent River, un percutant huis clos du Britannique Philip Ridley.
Celles et ceux qui ont vu Renaud Lacelle-Bourdon dans La Fête sauvage de Mathieu Gosselin, une production du Théâtre de la Banquette arrière dirigée par Claude Poissant, n’ont pu qu’être éblouis par l’aplomb avec lequel le comédien défendait son personnage. Il faut pourtant admettre que le jeune homme, diplômé du Conservatoire d’art dramatique de Montréal depuis 2001, n’a pas encore trouvé, du moins sur une scène de la métropole, un emploi à sa mesure. Grâce à Robert Bellefeuille, metteur en scène (Jouliks, La Dame aux camélias) et directeur artistique du Théâtre de la Vieille 17 (L’Homme invisible/The Invisible Man), la situation sera bientôt corrigée. Sur le plateau du Théâtre de Quat’Sous, Renaud Lacelle-Bourdon s’apprête en effet à enter dans la peau d’un adolescent physiquement et psychologiquement ravagé, un rôle qui confine aux extrêmes. Aux côtés de Danielle Proulx, il prend part à la création française de Vincent River, une pièce de Philip Ridley (créée à Londres en 2000 et en France en 2005) dont Maryse Warda signe la traduction "québécoise". Entre Anita, la mère en deuil, et Davey, le mystérieux jeune homme qui rôde autour d’elle depuis plusieurs semaines, un face-à-face impitoyable et pourtant salvateur est sur le point de se produire. De ce règlement de compte, affrontement cathartique d’une grande finesse, personne ne sortira indemne, surtout pas le spectateur.
CONCLURE UN PACTE
Devant pareille partition, alliage irréprochable de suspense et de tragédie, Renaud Lacelle-Bourdon a, dès la première lecture, le souffle coupé: "J’étais complètement sonné, très ému. J’ai eu peur, mais j’ai dit: "Oui, oui, je suis capable!" Quand on t’offre quelque chose de semblable, c’est certain que ça effraie, mais c’est impossible de dire non. Maintenant, je travaille et j’essaie d’être à la hauteur de la confiance que Robert a placée en moi." Quand Davey débarque dans l’appartement d’Anita, il est franchement amoché. C’est au compte-gouttes qu’on apprend ce qui a mis le jeune homme de 16 ans dans cet état, son passé, lourd, très lourd déjà. Pour Anita, la mère de Vincent River, le quotidien n’est pas beaucoup plus rose. Depuis le jour où son fils a été retrouvé mort, atrocement mutilé, dans une gare désaffectée, lieu de rencontres homosexuelles, sa vie a basculé. Pour échapper aux remarques désobligeantes et aux questions sans réponses, elle déménage. Mais le passé, tenace, frappe à sa porte. "Ça pourrait être un duo hyperréaliste, mais quand on entre dans le récit, les révélations de l’un et de l’autre, c’est là que la théâtralité arrive. Quand tu racontes une histoire, tu rentres dedans, tu revois les événements, le niveau de jeu change complètement."
Les deux personnages signent en quelque sorte un pacte, ils s’engagent à se dire la vérité, toute la vérité: "Ils se sentent tous les deux coupables. Elle a besoin de comprendre ce qui a mené à la mort de son fils et lui a besoin de se libérer d’un terrible secret. Quand on perd quelqu’un, je suppose qu’on n’est pas guéri tant qu’on ne connaît pas toute la vérité. On espère que cela mettra du baume sur nos plaies." Ce n’est, en effet, qu’après avoir traversé cette épreuve éminemment tragique que les deux protagonistes pourront véritablement amorcer leur deuil.
Le 31 octobre, à 12h45, dans le foyer du Studio Alfred-Laliberté de l’UQAM (405, Ste-Catherine Est), Robert Bellefeuille et Wajdi Mouawad, des artistes dont les parcours se recoupent en plusieurs points, répondront à une intrigante question: "Où est le centre dans ce milieu?". L’entrée est libre; pour obtenir des informations, composez le 514 987-4116.
Du 30 octobre au 2 décembre
Au Théâtre de Quat’Sous
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