Wen Wei Wang : Itinéraire d'un enfant prodige
Scène

Wen Wei Wang : Itinéraire d’un enfant prodige

Danseur virtuose, Wen Wei Wang a choisi le Canada pour laisser exploser ses talents de chorégraphe. Le résultat est éblouissant.

L’histoire de Wen Wei Wang ferait la joie d’un scénariste inspiré, car elle a tout pour émouvoir, happy end y compris. Né dans la ville industrielle de Xian en 1965, à la veille de la Révolution culturelle, il grandit avec ses deux soeurs et ses parents dans la pièce attenante à la salle de classe où sa mère enseigne. Très tôt, il sait qu’il est né pour danser. "Le mouvement était naturel pour moi, explique-t-il depuis Vancouver où il s’est établi en 1991. Il suffisait que je voie danser des gens pour que je reproduise spontanément leurs pas. Tout le monde pensait que j’étais une petite fille parce que je dansais tout le temps."

En 1978, la répression culturelle s’est relâchée et les compagnies de danse fleurissent un peu partout. Mais l’art a encore la vie dure au pays de Mao: seules les danses chinoises sont autorisées et ne devient pas danseur qui veut. Le gouvernement mène des auditions à travers le pays pour choisir ceux dont les caractéristiques physiques correspondent à des canons préétablis. Wen Wei Wang a 13 ans quand il est recruté. Il danse déjà depuis sept ans et va se perfectionner pendant presque une décennie au sein de la compagnie régionale. La discipline est draconienne et l’éloignement de la famille, douloureux. Il pleure beaucoup mais il endure tout, même les étirements quasiment inhumains. "Le professeur nous disait: »Je sais que vous me haïssez, mais vous me remercierez quand vous aurez passé 30 ans », se souvient-il. Je ressors toujours cette anecdote à mes étudiants parce que j’ai plus de 40 ans, je danse encore et je me suis rarement blessé. On avait un excellent entraînement, mais on ne parlait jamais d’art. On n’avait pas de liberté de s’exprimer. Chaque mouvement, chaque pas devait être exécuté tel qu’il nous avait été montré."

Wen Wei Wang a 22 ans quand on l’envoie développer l’art de la chorégraphie à Beijing. Il n’attendra pas le diplôme qui lui permettrait de devenir créateur officiel approuvé par le gouvernement: il obtient l’autorisation de venir à Vancouver pour un stage intensif et il y restera. Après s’être illustré pendant neuf ans comme danseur au sein de la compagnie de Judith Marcuse et du Ballet British Columbia où il participe à des ateliers chorégraphiques (il fait aussi un bref séjour aux Grands Ballets Canadiens de Montréal), il se lance dans la carrière de chorégraphe indépendant en 2000. Sa première création, un ballet classique qu’il n’aurait jamais pu créer en Chine, lui rapporte le prix Clifford E. Lee. Dès lors, il est sollicité par de grandes compagnies et cherche à trouver son identité propre dans le foisonnement de styles qu’il a intégrés au fil des ans. En découle une signature unique caractérisée par une esthétique d’un grand raffinement, une perfection du mouvement impressionnante, et un métissage si subtil de diverses influences culturelles qu’on les ressent sans jamais qu’aucune d’elles ne prenne le pas sur l’autre.

"Chaque fois que je commence une nouvelle pièce, je ne sais pas par quel bout la prendre parce que je ne veux pas revenir en arrière et répéter ce que j’ai déjà fait, commente le chorégraphe. Je suis toujours un peu nerveux quand j’entre en studio, mais j’arrive à me relaxer quand la danse émerge. En fait, je sais quel type de mouvement je veux voir et je ne garde que ce qui est O.K. Je travaille beaucoup à partir d’improvisations et ne choisis jamais un style en particulier: je mélange tous ceux que j’ai appris pour les rendre plus organiques et obtenir un look unique."

Entouré des cinq danseurs de sa compagnie, créée en 2003, Wen Wei Wang nous présente Unbound, sa plus récente création. Jouant avec les chaussures utilisées dans l’opéra chinois pour simuler les pieds bandés, elle exprime la liberté par la voie de l’harmonie et de la sensualité. Un spectacle d’une intense beauté, soutenue par les fabuleux éclairages de James Proudfoot et par la puissance évocatrice des musiques du compositeur Giorgio Magnanensi.

Du 31 octobre au 4 novembre
À l’Agora de la danse
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