La compagnie Kléos : Système de valeurs
Scène

La compagnie Kléos : Système de valeurs

La compagnie Kléos, qui nous présentait Zone en novembre 2003, poursuit son cycle Dubé avec Florence.

La jeune compagnie, qui s’est donné comme mandat de monter des textes ou des classiques d’auteurs dramatiques qui dorment cruellement sur les tablettes, s’est fait connaître il y a trois ans, alors que le public accueillait avec enthousiasme l’univers de Zone. Aujourd’hui, la comédienne et directrice de Kléos, Marie-Anne Alepin, poursuit son ascension dans le monde de Marcel Dubé et interprète le rôle-titre dans la pièce Florence, mise en scène par Jacques Rossi.

Dans les années 50, Florence, 23 ans, est réceptionniste dans une agence de publicité de Montréal. Issue d’un milieu populaire, elle se retrouve un jour déchirée entre deux continents: celui, plus conformiste, de la famille et, à l’opposé, celui du travail, qu’elle considère comme une porte ouverte sur le monde. Fiancée à Maurice et promise à une vie rangée, son instinct la pousse vers des chemins plus aventureux. "Si j’accepte de monter la pièce, c’est que j’ai vu un angle qui, aujourd’hui, est très pertinent: la modernité du personnage de Florence, sa quête et les moyens qu’elle emploie pour se sortir du cul-de-sac", souligne Jacques Rossi.

La jeune femme choisit de remettre en question les valeurs conservatrices de sa famille et de ne pas freiner le désir qu’elle ressent pour Eddy, son patron. "Pour l’époque, ce qui est original, c’est que Florence rejette Maurice et Eddy pour se choisir, elle. En ce sens, elle représente un phare et on peut se reconnaître dans sa trajectoire", ajoute-t-il.

ÉVOLUTION DES MOEURS

Aux dires du metteur en scène, les questions, angoisses et appréhensions du personnage de Florence (début vingtaine, donc) sont aujourd’hui susceptibles de rejoindre les préoccupations des adolescentes. Voilà une des raisons pour lesquelles le Théâtre Denise-Pelletier n’a pas hésité à produire le spectacle. "Les deux tiers des spectateurs qui assisteront aux représentations viennent du secondaire. Ces jeunes sont dans le passage à la vie adulte. Cette thématique-là est donc très présente dans leur vie. À cet âge, il y a toujours une dynamique qui s’établit entre le parent et l’enfant qui, lui, a besoin de se distinguer de sa famille", affirme Jacques Rossi. Puis, ce dernier évoque la question de la place des femmes dans la société, une bataille encore brûlante d’actualité: "La femme a toujours un combat à mener à divers niveaux. Rien n’est encore gagné."

EXIT NOSTALGIE!

Jacques Rossi dit avoir proscrit tout élément de la pièce pouvant évoquer la nostalgie. "Je ne voulais pas qu’on aille se jouer dans le nombril et que l’on fasse une reconstitution de l’époque. Ce sont les personnages dans une époque qui sont intéressants", affirme-t-il. Cette tendance se dessine également dans la conception du décor et des costumes. "Les coupes sont d’époque, mais il y a un jeu avec les couleurs, c’est axé sur une sensibilité actuelle", ajoute Rossi. Même mot d’ordre du côté de la direction d’acteur. "J’ai interdit à Marie-Anne Alepin (qui interprète Florence) de se plaindre, d’être victime", explique le metteur en scène, qui a préféré miser sur les revendications de Florence et le ton audacieux de sa révolte.

Cette pièce annonce le retour sur les planches de Pauline Martin. "Pauline et moi avons toujours eu une bonne communication. Elle se mourait de revenir au théâtre. Avec Pauline, on propose et elle "contre-propose"! Ce sont des ajustements, des compromis", affirme Jacques Rossi, le sourire aux lèvres. Puis, il lance: "C’est une pièce de dialogues et de relations qui nous parle de sujets qui font encore partie de notre quotidien. J’espère que ça vous touchera là où ça me touche, c’est-à-dire qu’un être humain malheureux et empêtré cherche comment s’en sortir et apprend, ce faisant, qu’on ne fait pas d’omelette sans casser des oeufs."

C.V.

Marcel Dubé écrit initialement Florence pour la télévision, en 1957. Après qu’il l’eut adaptée pour la scène, la pièce est présentée pour la première fois à la Comédie canadienne en 1960. À travers Florence, l’auteur traduit – avec quelques années d’avance et une intuition certaine – les doutes et les préoccupations d’une génération qui se prépare à vivre les grands bouleversements de la Révolution tranquille. Selon Jacques Rossi, Florence représente la pièce transitoire de Marcel Dubé, celle qui fait le pont entre la période plus lyrique de l’auteur (où il s’inspire de ses souvenirs d’enfance) et un théâtre plus psychologique dans lequel Dubé se livre à une critique de la bourgeoisie de l’époque. Il existe deux versions de Florence: celle écrite en 1957 et une autre que Marcel Dubé a remaniée en 1970, à la lumière des changements politiques, sociaux et culturels que vivait le Québec. Jacques Rossi a choisi de monter la première version, dans laquelle il considère la prise de parole des personnages plus directe. La dernière présentation de Florence à Montréal remonte à 1987, dans une mise en scène de Lorraine Pintal, au même Théâtre Denise-Pelletier.

Du 10 au 25 novembre
Au Théâtre Denise-Pelletier
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