Les Points tournants : La croisée des chemins
Les Points tournants, de l’Écossais Stephen Greenhorn: un moment de théâtre qui allie vivacité et dynamisme, simplicité et légèreté.
Sur scène, une carcasse de Lada qui occupe le tiers de la place et un bord d’autoroute qui s’effrite pour se transformer en une plage rocailleuse. Puis, les personnages principaux, début vingtaine, s’adressent au public. Ils expliquent rapido presto le contexte socio-économique pas trop jojo de Motherwell, petite ville d’Écosse dans laquelle ils vivent. Nous voilà aspirés en plein coeur d’un road movie théâtral, où s’amusent les conventions.
Après s’être fait virer par Binks, son patron, Alex décide de se venger en dérobant LA planche à voile du magasin dans lequel il travaillait. Au volant d’une Lada en décrépitude et en compagnie de son vieux pote Brian, Alex fuit vers le nord de l’Écosse, dans l’espoir de vendre l’objet du délit. Sur la route, en direction de Thurso (l’eldorado des surfeurs), les deux copains rencontrent une pléiade de personnages – une jeune bohème, une géologue canadienne, un gourou, etc. – qui les poussent à se remettre en question et à saisir un peu plus leur essence propre.
D’HUMOUR ET D’AMITIÉ
Loin d’être soulignée au marqueur ou d’être porteuse d’une morale, cette évolution – vécue différemment par chaque personnage – prend naissance à travers un enchaînement rapide de courtes scènes, où l’humour règne sans contredit. Pas de réponse aux grandes questions en filigrane, mais beaucoup de paroles, nourries par un univers souvent caricatural. Il faut voir Jean Marc Dalpé jouer Binks, petit mafioso désaxé qui poursuit en moto Alex et Brian, dans l’intention de récupérer sa "petite chérie" de planche à voile. De cuir vêtu, Binks va croiser plusieurs personnages, tous incarnés par le comédien David Savard. Un duo comique savoureux. Steve Laplante est attachant dans le rôle du sympathique rêveur qu’est Brian. Maxime Denommée campe avec naturel un Alex rebelle et cynique. Et Christine Beaulieu, qui incarne Mirren, réussit habilement à se tailler une place au creux d’une amitié typiquement masculine!
S’ABANDONNER AU VOYAGE
Mettre l’accent québécois dans la bouche de personnages écossais était un pari risqué, d’autant plus que toutes les références culturelles et géographiques sont également écossaises. Mais la traduction d’Olivier Choinière ne manque ni d’aplomb ni de mordant. Pour y croire, suffit de s’abandonner au voyage en même temps que les protagonistes qui, plus souvent qu’autrement, sont eux-mêmes dépaysés en découvrant leur Écosse moderne… Dans la construction de sa mise en scène, Philippe Lambert a évacué avec brio les détails réalistes qui auraient pu nuire à la fluidité du récit. On se promène d’un lieu à l’autre sans confusion, guidé par des filets de lumière et un environnement sonore éloquent. La Lada règne sur scène tel un personnage, pivotant selon les directions qu’elle emprunte. À la fin, la voiture – seul lien relatif au point de départ – explose. Et la vie continue, empruntant une nouvelle direction.
À voir si vous aimez
Le film Lock, Stock and Two Smoking Barrels de Guy Ritchie
Le film Trainspotting de Danny Boyle